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Les hommes de Maserati : Guerino Bertocchi

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Re: Les hommes de Maserati : Guerino Bertocchi

Messagede maseramo » Ven 15 Aoû 2014 17:14

Dites «Nürburgring 1957» à n’importe quel passionné de courses automobiles, il vous répondra : « ah Fangio avec sa Maserati 250 F ! ». Ce Grand Prix d’Allemagne du 4 Août 1957 est devenu mythique et reste dans les annales comme l’un des plus beaux morceaux de bravoure et de pilotage de tous les temps. Bien qu’en « pole position », Fangio loupa son départ, laissant filer les deux Ferrari de Mike Hawthorn et de Peter Collins, mais il bâtît une première fois son record du Nürburgring qu’il détenait depuis l’année précédente (sur Ferrari D50) et parvint à doubler les deux Ferrari et prendre la tête. A mi-course, l’arrêt ravitaillement de Fangio fut une catastrophe. Une roue arrière était restée bloquée et les mécaniciens ne parvenaient à dévisser l’écrou central. Finalement, la roue put être changée mais, après cet arrêt calamiteux, Fangio était à plus d’une minute derrière les Ferrari. Autant dire que la course était perdue.
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On voit ici Fangio repartir après son arrêt catastrophique. C'est la bedaine de Guerino que l'on aperçoit, à mon avis, à gauche de l'image. Vous remarquerez la sécurité, nulle ! une simple bande blanche au sol sépare les stands de la piste où les bolides déboulent à 300 km/h !!
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Re: Les hommes de Maserati : Guerino Bertocchi

Messagede maseramo » Ven 15 Aoû 2014 17:17

C’est alors que le miracle se produisit ! Fangio à l’état normal, c’était déjà quelque chose, mais Fangio en état de grâce, c’était exceptionnel. Battre une fois le record du tour au Nürburg, c’est déjà fantastique, le faire tomber chaque tour pendant huit tours consécutifs, ça ne s’était jamais vu et ça ne s’est jamais revu ! Fangio et sa 250 F, arborant le numéro 1 de champion du monde en titre et le nez jaune, volaient littéralement, avalant les 170 virages et les 22.8 kilomètres du tourniquet allemand avec une trompeuse facilité. Les spectateurs retenaient leur souffle et avaient parfaitement conscience de vivre un moment exceptionnel. D'ailleurs beaucoup de photos immortalisent ces instants.
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Malgré les efforts des pilotes Ferrari pour se mettre à l’abri, Fangio fonçait sur eux jusqu’au contact visuel. Plus que 300 mètres, 200 mètres. En passant devant les stands, l’avant dernier tour, Fangio arrivait dans les roues arrières du second, Peter Collins. Il l’attaqua dans le virage Sud et le doubla en mettant une roue dans l’herbe, criblant de graviers Collins et lui brisant les verres de lunette. Le leader, Mike Hawthorn, fut rejoint et dépassé à la moitié de l’avant dernier tour mais Fangio ne levait toujours pas le pied. Il restait concentré et franchit la ligne d’arrivée avec 3.6 secondes d’avance sur Hawthorn et 35.6 sur Collins devant des spectateurs en extase et en admiration qui lui faisaient des révérences des bras.


On a tout dit de cette remontée ahurissante de Fangio, tout vérifié, le moteur, l’essence : rien, rien que le talent et l’expérience qui avaient parlé au delà de ce que l’on croyait possible, des instants magiques emprunts d’un équilibre surréaliste, tels que seuls Tazio Nuvolari avaient pu nous en donner auparavant et Ayrton Senna bien plus tard. Le propre commentaire de Juan Manuel Fangio lui-même, quelques décennies après, sur sa course légendaire au Nürburgring 1957 fait froid dans le dos : « Même maintenant, j’ai très peur quand je repense à cette course. Pourtant j’avais conscience de ce que je faisais et des risques encourus. Nürburgring était mon circuit favori. Je l’aimais dans son ensemble et je crois que ce jour là, je l’ai vaincu. Un autre jour, c’est lui qui m’aurait vaincu peut-être, qui sait ? J’avais atteint les limites de la voiture, je les avais peut-être même dépassées. Je n’avais jamais piloté de cette manière et je savais très bien que c’était la dernière fois. »

Si deux deuxièmes places aux Grands Prix de Pescara et de Monza viendront conforter son titre, Fangio fut sacré pour la cinquième fois champion de monde de formule 1 dès le soir de ce Grand Prix d’Allemagne d’anthologie.
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J'adore le regard de Fangio à Bertocchi à l'arrivée de ce Grand Prix d'Allemagne inoubliable !
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Re: Les hommes de Maserati : Guerino Bertocchi

Messagede maseramo » Ven 15 Aoû 2014 17:19

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Le podium du Nurburg 57, de la gauche à la droite : Peter Collins beau joueur sourit (contre le génie, il n'y a rien à faire), Juan Manuel Fangio quintuple champion du Monde de F1 (il ne sera battu que par Mickael Schumacher 44 ans plus tard !), Mike Hawthorn se demande encore ce qui lui est arrivé, Nello Ugolini avec son brassard de chef d'écurie Maserati et, en bas, Guerino avec son petit chapeau.
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Re: Les hommes de Maserati : Guerino Bertocchi

Messagede maseramo » Ven 15 Aoû 2014 17:23

Afin de participer au Trophée des Deux Mondes qui associait les résultats obtenus aux 500 Miles d’Indianapolis et lors d’une course similaire de 500 miles disputée à Monza, « il Signore Zanetti », le président de la célèbre firme italienne de crèmes glacées « Eldorado », commanda à Maserati une monoplace aux caractéristiques assez ahurissantes : V8 de 4.2 litres et 410 cv, 758 kg et 380 km/h ! Un châssis type 250 FT2 (Telaio 2) renforcé servit de base. On y adapta le V8 de la 450S réalésé à 4.2 litres et on habilla le tout de l’une des dernières carrosseries aluminium de Medardo Fantuzzi, porteuse d’une dérive ressemblant à celle de la Jaguar type D derrière la tête du pilote et peinte aux couleurs d’Eldorado (blanc avec le logo du gamin chapeauté). C’est l’une des premières voitures de course « publicitaire » aux couleurs et avec le nom du propriétaire-sponsor en grosses lettres sur la carrosserie. Les « pates alimentaires Buitoni » avaient bien apposé leur nom au dessus de la grille d’extraction d’air des barquettes 200S,350S et 450S des Mille Miglia 1957 mais en caractères plus discrets et laissant les carrosseries rouges. La boîte de vitesse de la 420M58 (4.2 litres Monoposto 1958), placée contre le différentiel arrière, ne disposait que de deux vitesses car, sur l’anneau à virage relevé de Monza comme à Indianapolis, le bolide restait constamment à haute vitesse et tournait en sens anti-horaire, ce qui était inhabituel sauf à Indianapolis. La vitesse maximale pouvait dépasser les 360 km/h suivant la démultiplication !!!

Comme d'habitude en matière de monoplace, ce fut Guerino Bertocchi qui assura les premiers roulages, les réglages suspension et le rodage de la 420M58. Après plusieurs centaines de kilomètres de mise au point châssis, Guerino, à 43 ans, tournait régulièrement en un temps qui lui aurait permis d’être second sur la ligne de départ !
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Moss à fond dans le virage relevé de Monza
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Re: Les hommes de Maserati : Guerino Bertocchi

Messagede maseramo » Ven 15 Aoû 2014 17:27

A Monza en 1958, après un bon début de course aux mains de Stirling Moss, le boîtier de direction se brisa aux 2/3 du parcours, probablement du fait des énormes contraintes mécaniques en virage, entraînant un accident à plus de 260 km/h dont le pilote sortit heureusement indemne.
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La 420M58 Eldorado fut reconstruite en 1959, sans dérive cette fois-ci et peinte en rouge. On voit ici à Indianapolis 1959 et de la gauche à la droite : Guerino Bertocchi, Tony Hulman ( le directeur du ''Indianapolis Motor Speedway") et monsieur Zanetti (le directeur des glaces Eldorado).
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Mais la 420M58 ne put se qualifier à Indianapolis peut-être sur défaut d’alimentation, malgré la présence sur place de Guerino Bertocchi qui ne parvint pas à bien réparer la panne. La peur panique (360 km/h ça impressionne) d'un pilote inexpérimenté mais soutenu par le sponsor est peut-être aussi à incriminer (dommage que Guerino n'aie pas pris le volant).

Cet exemplaire unique, dans sa livrée originelle blanche de 1958 avec la dérive et le nom de Stirling Moss sur le flanc, se trouve en temps normal au merveilleux musée Panini à Modène mais a été prêté depuis Juin 2014 à la "Casa Enzo Ferrari" à Modène pour les célébrations du centenaire Maserati :
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Re: Les hommes de Maserati : Guerino Bertocchi

Messagede maseramo » Ven 15 Aoû 2014 17:30

La « Birdcage » est née de l’esprit inventif de Giulio Alfieri qui imagina un châssis révolutionnaire, fait d’un treillis de 200 petits tubes creux très fins (de 10 ou 12 ou 15 mm de diamètre) réalisés en acier de 1 mm d’épaisseur.
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Le nom de « Birdcage », cage à oiseau, s’imposa de lui-même pour cette Tipo 60 (2 litres, 200 cv) ou Tipo 61 (2.9 litres, 250 cv). Les moteurs 4 cylindres en ligne, 2 ACT, double allumage (2 bougies par cylindre) provenaient de la barquette 200 S et étaient inclinés de 45 degrés sur la droite pour abaisser au maximum le capot (réduisant la surface frontale) et le centre de gravité. La boîte 5 vitesses était solidaire du différentiel arrière. En version 2 litres, la Birdcage ne pesait que 570 kg et filait déjà à 270 km/h, en 2.9 litres c’était 600 kg et 285 km/h !
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On voit ici le prototype Birdcage non encore peint en essai avec Stirling Moss à Modène en Mai 1959. Guerino, qui avait fait les premiers réglages avant Moss, bricole dans le cockpit pendant que Moss (en blanc) et Giulio Alfieri discutent.
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Re: Les hommes de Maserati : Guerino Bertocchi

Messagede maseramo » Ven 15 Aoû 2014 17:33

Le même prototype Tipo 60, remporta l’été 1959 son premier succès à Rouen-Les-Essarts aux mains d’un Stirling Moss enthousiasmé. On voit ici Guerino à Rouen avec la Birdcage :
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Ici Stirling Moss avec son casque blanc mène la Birdcage à sa première victoire à Rouen pour sa première course :
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Re: Les hommes de Maserati : Guerino Bertocchi

Messagede maseramo » Ven 15 Aoû 2014 17:34

L'échappement de la Birdcage est à droite, chose inhabituelle sur une Maserati à moteur en ligne !
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Re: Les hommes de Maserati : Guerino Bertocchi

Messagede maseramo » Ven 15 Aoû 2014 17:37

le prototype vainqueur allait être modifié en Tipo 61 et vendu un bon prix à l’écurie américaine Camoradi dirigée par Lloyd Casner, dit «Lucky» Casner. Au total, Camoradi, (qui signifiait Casner Motor Racing Division) commanda cinq Tipo 61, dont au moins une à queue longue et pare-brise plongeant. Les voitures de cette écurie portaient les couleurs classiquement américaines. Elles étaient blanches avec une bande bleue, livrée devenue depuis lors symbolique voire mythique de la Birdcage.

On voit sur les images suivantes un Guerino à la silhouette épaisse s'affairant autour de Bircage Camoradi :
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Messagede maseramo » Ven 15 Aoû 2014 17:38

Lors des 24 h du Mans 1960, Guerino manoeuvre la Bircage Camoradi coda lungha qui sera pilotée par Masten Gregory :
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Re: Les hommes de Maserati : Guerino Bertocchi

Messagede maseramo » Ven 15 Aoû 2014 17:40

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En 1960, Stirling Moss vient de remporter le Grand Prix de Cuba sur sa Birdcage mythique n°7. Il offre un tour d'honneur à Guerino.
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Re: Les hommes de Maserati : Guerino Bertocchi

Messagede maseramo » Ven 15 Aoû 2014 17:43

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Fin 1960, sur l'Autodromo di Modena, Guerino Bertocchi réalise les premiers roulages de la Birdcage 63/64 à moteur central arrière, disposition qu'il n'appréciait guère. Il adorait régler les autos classiques à moteur avant et pont arrière. Cependant il apprit vite et, tout en pestant, parvint aux réglages optimum de suspension.
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Re: Les hommes de Maserati : Guerino Bertocchi

Messagede maseramo » Ven 15 Aoû 2014 21:05

Sur l'image ci-dessus, le prototype de la Birdcage à moteur central arrière (Tipo 63/64) à gauche et une Birdcage à moteur central avant (Tipo 60/61) à droite.

A suivre avec les Maserati du colonel Simone au Mans et les Maserati de route .....
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Re: Les hommes de Maserati : Guerino Bertocchi

Messagede ducaspid » Sam 16 Aoû 2014 00:41

Tout cela me rappelle un excellent moment ! Bravissimo ! ;) ;) ;)
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Re: Les hommes de Maserati : Guerino Bertocchi

Messagede maseramo » Sam 16 Aoû 2014 14:46

Salut Florent, merci, content que le topo sur Guerino Bertocchi t'ait plu. Effectivement, je l'avais préparé pour une petite réunion en Juin entre "sudistes" auxquels Barth s'était joint. Alors j'essaye d'en faire profiter le forum maintenant.
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Re: Les hommes de Maserati : Guerino Bertocchi

Messagede maseramo » Sam 16 Aoû 2014 14:51

Avant de reprendre la suite chronologique des "agissements" de Guerino Bertocchi, je ne résiste pas au plaisir d'une anecdote rapportée par Sir Stirling Moss himself :
"Maserati avait aussi de vrais personnages. Nello Ugolini, le directeur sportif, était un type bien et efficace, en particulier avec un chronomètre. Il pouvait chronométrer seul une course de 24 h. Le chef mécanicien, Guerino Bertocchi, était aussi un bon pilote. Lors d'une course en Argentine, Jean Behra était en retard (il avait honoré une lady et la circulation était pire qu'il ne le pensait). Bertocchi est monté dans la voiture et a pris le départ. Behra lui a succédé quand il est arrivé ! "
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Re: Les hommes de Maserati : Guerino Bertocchi

Messagede maseramo » Sam 16 Aoû 2014 14:59

Guerino discute au volant de la Tipo 151 blanche "Cunningham" au Mans en 1962.
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Cette Maserati tipo 151, conçue par l'ingénieur Giulio Alfieri, dite "la Maserati du colonel", fut en fait réalisée en trois exemplaires. L'un de couleur rouge fut livré au colonel John Simone et à son associé Jean Thépenier (Maserati France) et deux de couleur blanche avec deux lignes bleues longitudinales, caractéristiques des équipes américaines, rejoignirent le Team Cunningham.

Cette voiture était très impressionnante à l'époque avec son long museau qui abritait un V8 issu de la 450 S ramené à 4 litres et développant 360 cv. Le capot moteur se situait si bas qu'il avait fallu réaliser un volumineux bosselage au centre pour loger les 4 carburateurs Weber.
La vitesse de pointe frôlait les 300 km/h dans la ligne droite des Hunaudières. N’osant pas un châssis type « birdcage » (sans doute à tord car la Tipo 63 à V12 3 litres puis la Tipo 65 à V8 de 5 litres acceptèrent les contraintes de leur gros moteurs), Alfieri dessina pour la 151 un châssis tubulaire classique à tubes de grande section.
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Guerino est à la portière conducteur

Le colonel Simone n'eut de cesse, de 1962 à 1965, de tenter d'imposer sa propre Maserati semi privée (la 151 et ses dérivées sur le même châssis) aux 24 heures du Mans, pilotes professionnels au volant. Il ne parvint pas, faute de moyens (une seule voiture engagée à chaque fois) et peut-être de préparation suffisante, à battre l'armada des Ferrari usines et privées qui, à cette époque, monopolisaient les podiums. Mais son courage et sa ténacité émurent le public autant que ses voitures l'impressionnèrent (menant souvent la course) et il inscrivit, par sa lutte inégale mais pourtant très vaillante, quelques belles pages de l'histoire du sport automobile.
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Re: Les hommes de Maserati : Guerino Bertocchi

Messagede maseramo » Sam 16 Aoû 2014 15:04

Voici l'évolution ultime (Tipo 154) de "la Maserati du colonel" avec Guerino qui s'apprête à se glisser aux commandes :
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Cette nouvelle voiture, bien que reposant toujours sur le châssis d'origine de 1962 retouché, fut équipé d'un 5 litres 410 cv et dénommée Maserati Tipo 152 en 1964 puis 154 en 1965 avec son moteur poussé alors à 430 cv. Elle constitua la forme la plus aboutie des prototypes de voiture de course à moteur avant, plus évoluée et fine qu'une Ferrari 250 GTO par exemple. La Tipo 152/154 était très impressionnante et d'une finesse inouïe pour une voiture à moteur à l'avant. Le capot moteur était très bas, très plat et très long, le pilote assis juste devant les roues arrière, la poupe de l'auto ramassée et tronquée pour des raisons aérodynamiques. La vitesse dépassait les 320 km/h !



Aux essais préliminaires du Mans, en avril 1965, ce fut le drame : la 154 décolla légèrement sur la bosse à la fin des Hunaudières avant Mulsanne et Lucky Casner à son volant ne parvint à la contrôler à la réception, ayant peut-être trop soulagé l'accélérateur durant le bref saut, engendrant un effet de freinage des roues arrières en sous régime lors de l'atterrissage. Pour peu que l'auto n'ait pas été parfaitement dans l'axe à ce moment, il s'ensuivit un dérapage incontrôlable et la voiture alla s'écraser à plus de 300 km/h sur des arbres proches, tuant le malheureux pilote.
On a beaucoup polémiqué sur cet accident. Il semble que Lucky Casner, qui avait été si habile et courageux sur la « Birdcage », avait un peu peur de la 154 qui dépassait les 320 km/h. « Lucky », quelques tours avant sa mort, s’était plaint à Guerino Bertocchi d’une insuffisance de puissance du moteur. Guerino avait pris le volant pour un tour, puis lui avait décoché avec son air ténébreux : « tutto bene, solo spingere l’acceleratore ! », sous-entendu : « t’as peur d’accélérer à fond ». Plusieurs personnes furent aussi témoins d’une dispute assez violente entre « Lucky » et sa femme avant qu’il ne reprenne le volant … Triste jour pour tous.
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On voit ici Brigitte Bardot entre les as américains du pilotage : Lucky Casner à gauche et Masten Gregory à droite
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Re: Les hommes de Maserati : Guerino Bertocchi

Messagede maseramo » Sam 16 Aoû 2014 15:10

Quiconque d'autre que John Simone aurait jeté l'éponge à la mort de Casner et à la destruction de la Tipo 154 à peine un mois et demi avant Le Mans mais celui-ci sollicita une dernière fois Giulio Alfieri qui élabora en seulement 35 jours une barquette avec le V8 de 5 litres en position centrale arrière : la Tipo 65.

Guerino avec sa casquette au volant de la Tipo 65 :
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Cette auto fut livrée juste à temps pour les 24 heures du Mans 1965 mais sans aucune mise au point. Elle s'avéra extrêmement rapide aux essais (sup à 330 km/h) mais aussi très instable et, après seulement 6 minutes de course, le pilote Suisse Jo Siffert ne parvint plus à la maîtriser, elle heurta des bottes de paille qui rompirent le radiateur d'eau.

Cette fois-ci, c'en fut trop pour John Simone qui ne fit plus courir ses Maserati semi-privées. Il n'en reste pas moins que les quatre évolutions de sa Maserati 151 ont durablement impressionné le public de l'époque et les connaisseurs d'hier et d'aujourd'hui. Ces modèles uniques qui disparaissaient mais dont on conservait le châssis qui allait donner naissance dans l'hiver au bolide suivant ont vraiment enthousiasmé les foules.
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Re: Les hommes de Maserati : Guerino Bertocchi

Messagede maseramo » Sam 16 Aoû 2014 15:14

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On est en 1963 et voici Guerino Bertocchi en blanc avec le propriétaire de Maserati, Adolfo Orsi qui avait racheté les Officine Alfieri Maserati aux fratelli en 1937 puis avait laissé la direction de Maserati à son fils Omer à partir de 1950. Néanmoins, c'est au vieil Adolfo que l'on doit l'idée de sortir une berline Maserati. Adolfo Orsi était persuadé qu’une berline jouissant du prestige de Maserati, à condition d’être équipée d’un V8, se vendrait très bien aux USA et même en Europe.

Maserati disposait d’un V8 fiable, directement issu de la course (450 S), qu’il fut possible à moindre frais de « civiliser » comme cela avait déjà été fait sur la très confidentielle mais toujours disponible (jusqu’en 1965) 5000 GT.


La cylindrée fut ramenée à 4.2 litres et le taux de compression à 8.5 : 1 (alors qu’il était de 9.5 : 1 sur la 450 S). On ne conserva que 2 bougies par cylindre mais l’emplacement des secondes bougies restaient visibles sur les caches culasses. Avec 4 carburateurs 38 (préférés à l’injection sur les V8), ce moteur développait 260 cv (contre 400 cv sur la 450 S) mais pleinement disponibles à bas régime.
Une seconde série de Quattroporte I apparut en 1965 avec des phares doubles à l’avant (présents dès la série 1 aux USA) et un moteur 4.7 litres en option (290 cv autorisant 255 km/h !),


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Adolfo Orsi à la portière passager, Guerino Bertocchi au volant
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