Les hommes de Maserati : les ingénieurs

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Blu Sera
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Re: Les hommes de Maserati : les ingénieurs

Message par Blu Sera »

Somptueux :o Touring a magnifié ce châssis et ce moteur d'anthologie ! Merci Ciscoauto pour cette très belle photo.

Dans un registre certes moins pur, j'ai un petit faible pour la 5000 gt Frua et son mange-disque intégré :mrgreen:

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ciscoauto
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Re: Les hommes de Maserati : les ingénieurs

Message par ciscoauto »

Raah les 3 Frua ! Mes préférées. Le mange disque est un détail amusant présent uniquement sur celle de l'Aga Khan, voiture dont la couleur gris mauve est absolument sublime !
Voiture doublement intéressante puisqu'elle préfigure la ligne de la future Quattroporte et que le moteur spécifique de la 5000 GT est l'un des derniers montés et laissera bientôt sa place au V8 régulier. Je ne me lasse pas d'admirer ces 5000 GT :oops:
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Domi13
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Message par Domi13 »

Sublimes photos
Merci
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Re: Les hommes de Maserati : les ingénieurs

Message par maseramo »

GranSport69 nous avait fait une super photo du tableau de bord de la 5000 GT Allemano vue à Cremona pour le Centenaire :
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Les 5000 GT se caractérisent par le volant Nardi avec les branches à 8 h 20 et non pas 9 h 15 comme sur la 3500 GT ;)
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Re: Les hommes de Maserati : les ingénieurs

Message par maseramo »

La 5000 GT Frua de l'Aga Khan :
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Ciscoauto a raison, son avant (avec les phares en haut en arrière et la calandre en bas en avant) a été repris sur la Quattroporte I Frua de 1963.

A noter que le troisième exemplaire 5000 GT Frua, beaucoup plus plus tardif (1967), ne reçut pas le moteur 5 litres - double allumage - injection - culasses vertes mais un V8 de 4.7 litres de Mexico (simple allumage, 4 carburateurs, culasses noires). Ci-dessous un petit dossier 5000 GT Frua :
http://www.maseratitude.com/viewtopic.php?f=12&t=2214
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Re: Les hommes de Maserati : les ingénieurs

Message par ciscoauto »

Je pourrai m'attarder sans cesse sur les détails de cette voiture, la ligne de caisse, le trident incurvée, l'extraordinaire surface vitrée...

D'ailleurs il est amusant de voir qu'il y a eu avec Alfieri et Bertocchi une certaine constance dans les ingénieurs, alors que ca a parfois beaucoup bougé dans d'autres marques.
A l'inverse si les duos Ferrari-Pininfarina et Lamborghini-Bertone étaient établis, les designers des Maserati ont tout le temps changé, Touring avec Anderloni au crayon. la Sebring de Vignale et Michelotti, la Mistral par Frua, Giugiaro pour la Ghibli , Bora/Merak et la Quattroporte 3... etc etc
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Re: Les hommes de Maserati : les ingénieurs

Message par maseramo »

C'est vrai que Maserati a fait appel à de nombreux designers différents. Mais ils ont heureusement su garder à la marque une unité de style que l'on pourrait qualifier de "sportivité élégante" :)
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Re: Les hommes de Maserati : les ingénieurs

Message par ciscoauto »

Tout à fait, et le fait de ne pas être lié à un carrossier en particulier a aussi ses avantages. La diversité des A6 montre que la créativité et la beauté peuvent venir de divers carrossiers/stylistes.
Il y a parfois aussi une part de chance.
Quand Touring présente la 3500 GT, Touring est au sommet de son art, les quelques exemples de l'années 57 en série spéciale ou one off ailleurs le montre (Alfa 1900, DB2/4 Touring), Le plus beau crayon de Giugiaro est arrivé chez Maserati (la Ghibli) . Gandini pour Bertone a réussi des chefs d'oeuvres mais certaines autres créations sont plus douteuses, la Khamsin est, par chance, dans la première catégorie. :)

Pour revenir au sujet, dans une interview (dans le sujet 3500GT), Alfieri rajoute que l'ère Orsi fut particulièrement bonne car l'ambiance qui régnait au sein de la marque était excellente, pas de dissension qui aurait pu créer des problèmes et la relation avec Touring fut de premier ordre.
L'autre point assez important c'est que Maserati sous l'ère Alfieri et contrairement à Ferrari, n'a pas cherché que la performance ou à tout faire en interne mais , et c'est beaucoup plus compliqué, faire une voiture sportive ET confortable (position de conduite, confort sonore) ET pratique ET fiable. :Maze
C'est ce qui démarque Maserati, pas seulement des sportives mais des voitures de voyages. Quand on lit les essais, cela ressort bien, par exemple la ligne de la Lamborghini Countach est un chef d'oeuvre, c'est indiscutable. Mais la voiture est criticable, toutes les commandes sont dures, la position de conduite est infernale, la visibilité arrière nulle et la qualité de construction Lambo est loin des standards Maserati.
A l'inverse la Bora est louée pour son confort, sa position de conduite impeccable, son coffre supérieur à ses concurrentes, tout cela a été pris en compte par Alfieri et ses équipes.
Les Maserati sont des merveilles d'ingéniérie, pas seulement dans la mécanique mais dans toute la conception. Dans un certain sens, cela pourra rappeler Lancia à certains amateur d'italienne.

Dans ce livre de Mike Lawrence.
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Alfieri est désigné comme "the best all around engineer", et pourtant l'auteur est un horrible chauvin anglais qui n'hésite pas à critiquer dés que la voiture n'est pas anglaise :mrgreen: , c'est dire la qualité et la reconnaissance du travail d'Alfieri.
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Re: Les hommes de Maserati : les ingénieurs

Message par maseramo »

Merci Ciscoauto pour toutes ces précisions. Je ne savais pas que Giulio Alfieri était à l'honneur dans ce livre. Effectivement, les Maserati étaient des voitures extrêmement plaisantes à utiliser et non des engins de course à peine civilisés ou des œuvres de design destinées uniquement à être regardées. ;)

Poursuivons et achevons, si vous le voulez bien, le parcours de Giulio Alfieri chez Maserati au cours d'années qui, sous Citroën, virent l'apparition de voitures extraordinaires !

Un évènement considérable dans l'histoire des Officine s'est produit en 1968, le rachat de Maserati par Citroën, opération dans laquelle Giulio Alfieri joua un rôle déterminant !

En 1967, Citroën avait lancé un appel d'offre pour se procurer un V6 compact afin de motoriser un futur coupé. Ni une ni deux, Giulio Alfieri tronçonna un V8 Maserati et présenta en trois semaines ce prototype à Citroën. C'est le "Otto meno due" dont on reconnait les couvres arbres à cames tronçonnés avec l'inscription Maserati excentrée :
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Cette réactivité absolument extraordinaire (il fallait 6 mois aux concurrents pour présenter un prototype) séduisit la direction de Citroën. Ce moteur unique "otto meno due" est toujours dans les réserves du musée Panini mais la version finale du V6 Maserati, le C114, aura, comme nous le verrons plus loin, une architecture très différente avec un arbre primaire de distribution dans le centre du V.
Au mois de juillet 1967, les Orsi père et fils accompagnés de Giulio Alfieri se rendirent à Paris au siège de Citroën, quai de Javel. Durant toute une journée écrasante de chaleur à la veille des congés annuels, devant 26 ingénieurs français septiques qui voyaient avec un a priori négatif cette intrusion étrangère, Giulio Alfieri détailla son projet de réalisation d’un moteur V6 très compact de 2.5 litres et 170 cv destiné à prendre place en position centrale avant sous le capot du futur coupé Citroën SM (S pour Spéciale ou Sport, M pour Maserati) qui, vaisseau amiral de la marque aux chevrons, se devait d’être une traction. A la fin de cette journée mémorable, Pierre Bercot, le patron de Citroën, conclut avec Adolfo Orsi l’accord de rachat en trois temps de Maserati par Citroën (60 % des parts en décembre 1967, 15 % en juin 1968 et les 25 % restants en juin 1971).
Pierre Bercot, patron de Citroën, était un Maseratiphile convaincu à la différence, malheureusement, de certains de ses successeurs :
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Giulio Alfieri dont l'influence aux Officine Maserati était devenue absolument considérable à la fin des années 60, avait beaucoup insisté auprès de la famille Orsi pour que ce soit Citroën et non Alejandro De Tomaso qui lui rachète Maserati. En effet, avec l'appui de sa belle famille actionnaire importante de General Motors et de Ford, De Tomaso avait déjà fait en 1967 une proposition de rachat à Maserati. Giulio Alfieri préférait l'option Citroën, remettant les Officine entre les mains d'une société qu'il jugeait puissante et à fort potentiel technologique dont pourrait parfaitement profiter Maserati.

Ainsi, après la période des frères Maserati (1914-1947) et celle de la famille Orsi (1947-1968), s'ouvrait en 1968 l'ère Citroën qui dura jusqu'en 1975. Dans cette période, contrairement à ce que l'on pense souvent, ce n'est pas le "Quai de Javel" qui imposa sur les nouvelles Maserati l'assistance Citroën haute pression des freins et de la direction, mais bien Giulio Alfieri qui insista pour installer ces raffinements technologiques afin de moderniser les bolides de Modène.
La reprise du "Trident" par les "Chevrons" se fit tout en douceur et en bonne intelligence : Omer Orsi resta à la direction commerciale de Maserati avec un directeur détaché de Citroën à Modène, l'excellent Guy Malleret. Bien sûr, Giulio Alfieri, tête pensante de Maserati, fut maintenu dans ses prérogatives d’ingénieur en chef. Ce dernier se mit immédiatement au travail et créa le V6 de la SM (nom de code C114), ne conservant du V8 Maserati que l'angle d'ouverture à 90 degrés (alors que la plupart des V6 sont ouverts à 60 degrés) pour des raisons essentiellement d'encombrement en hauteur, le capot de la SM étant assez bas. Cet angle à 90 degrés se retrouvera sur toute la génération des V6 Maserati Biturbo mais c'est à peu près le seul point commun entre V8 450 S, V6 C114 et V6 Biturbo qui ont tous les trois des systèmes de distribution différents.
Les ingénieurs de Citroën avaient besoin d’un V6 extrêmement compact pour le loger sous le capot de la SM de façon centrale longitudinale entre la boîte de vitesse en avant et l’habitacle. Ils furent ravis du résultat, le V6 C114 d’Alfieri mesurant seulement 31 cm de long et, tout aluminium, pesant moins de 140 kg. Dans une propulsion, la face avant du moteur est disponible pour entraîner les accessoires. Dans le cas du V6 de la SM, ce côté du moteur avec la chaîne de distribution se retrouvait tourné vers l'habitacle. Il fallait trouver une solution pour amener une énergie motrice vers l'avant à destination des très nombreux accessoires Citroën, notamment la pompe haute pression pour le liquide LHM de suspension hydropneumatique et d'assistance haute pression des freins et de la direction.
Ci-dessous, l'équipage mobile du V6 C114 vu par l'arrière (vu par l'habitacle de la SM) :
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Giulio Alfieri imagina l'architecture suivante : le vilebrequin entraînait à l'arrière, par une chaîne primaire, un arbre placé au centre du V. Cet arbre entraînait à son tour par deux autres chaînes secondaires droite et gauche les deux arbres à cames par rangée de cylindres qui ouvraient seulement deux soupapes à 90 degrés par cylindre, comme sur le V8 Maserati. L'arbre au centre du V entraînait vers l'avant, au dessus de la boîte de vitesse, tous les nombreux accessoires électriques et autres pompes haute pression Citroën pour la suspension hydropneumatique et l'hyper-assistance des freins et de la direction.
De plus, les chaînes secondaires d'entrainement des arbres à cames se trouvaient entre le premier et le deuxième cylindre d'un côté et entre le deuxième et le troisième cylindre de l'autre côté. Ainsi, la même culasse pouvait être adaptée sur le banc droit ou le banc gauche sur simple rotation de 180 degrés. C'était là un réel avantage du système : une limitation du nombre de pièces à usiner et donc des coûts de fabrication.
Ci-dessous le C114 avec, en rouge, la sortie de l'arbre central qui va entraîner les accessoires en avant au dessus de la boîte de vitesse :
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Notez les disques de freins avant "in board" contre la boite de vitesse de la SM.
Ci-dessous, on voit le petit arbre gris sortant du centre du V pour entraîner la pompe haute pression du liquide LHM et les sphères LHM vertes pour l'assistance suspensions, freins et direction :
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Ci-dessous au salon de Turin 1970, Giulio Alfieri, pour une fois souriant, présente le C114 au ministre italien de l'industrie, Silvio Gava. Au premier plan avec ses petites lunettes, Guy Malleret, le directeur adjoint par Citroën à Maserati. Plus en arrière avec le mouchoir blanc à la pochette, Omer Orsi qui conservait des fonctions directoriales, notamment commerciales, à la direction de Maserati :
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Cependant, ce brillant moteur C114 connut des soucis de fiabilité avant 50 000 km au niveau de sa distribution compliquée. Ces trois chaînes nécessitaient des régulateurs de tension solides, ce qui n'était malheureusement pas le cas sur les premières séries de moteurs, expliquant les déboires initiaux des possesseurs de SM. Lors des rétrogradages un peu violents, la chaîne primaire pouvait sauter d'un cran quand elle commençait à se détendre après quelques dizaines de milliers de kilomètres ! On verra plus loin combien cette erreur de Giulio Alfieri (peut-être un peu trop sûr de lui à cette époque) pesa assez lourdement sur l'avenir de la marque.
Ci-dessous le C114 vu de 3/4 arrière gauche. Tout initialement, il semble bien n'y avait pas de tendeur de chaîne primaire :
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Un tendeur sommaire fut installé assez rapidement sur la chaîne primaire puis de nouveau amélioré :
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Les moteurs à tendeur révisé ont un R frappé devant les numéros de la plaque d'identification.
Quelques préparateurs et fiabilisateurs du moteur C114 installèrent même une poulie de tension de la chaîne primaire :
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Après avoir mû la Citroën SM en version 2.7 litres (170 cv en carburateur puis 180 cv en injection), ce noble V 6 amélioré (avec de bons tendeurs) sera placé tourné à 180 degrés en position centrale arrière dans la Ligier JS et dans la Maserati Merak en version 2 ou 2.9 litres.



La Citroën SM à moteur Maserati était sans doute la voiture la plus moderne et sûre de son temps :
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D'ailleurs, Giulio Alfieri roulait en SM au quotidien, d'abord en V6 puis avec une SM rouge munie d'un V8 expérimental type C114 plus 2.
Dernière modification par maseramo le dim. 15 mai 2016 17:55, modifié 3 fois.
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Message par maseramo »

Soulignés en orange, les modèles Maserati sortis sous l'ère Citroën :
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Contrairement à ce que l'on a pu dire, les années Citroën (1968-1975) ne furent pas stériles pour Maserati, bien loin de là. Seule leur conclusion fut désolante mais, au début, aucune bride ne bâillonna la créativité de l'équipe de Giulio Alfieri, bien au contraire puisque grâce au soutien financier de Citroën et à l'enthousiasme de Pierre Bercot, ces années virent l’apparition de quelques-uns des plus fascinants "monstres sacrés" routiers de l’histoire de Maserati avec un "quatuor fabuleux" : l’Indy, la Bora, la Merak et la Khamsin.

L'Indy (V8 de 4.2 ou 4.7 ou 4.9 litres), sorte de Ghibli 4 places dessinée par Vignale et projetée avant le rachat, fut la première Maserati à sortir sous l'ère Citroën :
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L'ingénieur Giulio Alfieri en cravate après un retour de "collaudo" de la Bora par Guerino Bertocchi en noir. (photo Blu Sera).
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Ah les plaques "Prova" ! La Bora avait le V8 Maserati 4.7 ou 4.9 litres en position centrale arrière longitudinale.

L'ingénieur Giulio Alfieri, le designer Giorgetto Giugiaro et le directeur Guy Malleret avec le prototype Bora au salon de Genève 1971 :
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Giulio Alfieri avec "sa" Bora :
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Au salon de Turin 1972, le designer Giorgetto Giugiaro discute avec Giulio Alfieri à droite avec la Boomerang au premier plan (proto à toit vitré sur base Bora) :
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la Merak, dévoilée au salon de Turin 1972, nommée cette fois-ci non pas à partir d’un vent mais d’une étoile de la Grande Ourse, équipée du moteur V6 C114 de la SM réalésé à 3 litres pour 190 cv et tout de même 240 km/h :
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La Merak est une Bora à moteur V6 et à capot arrière allégé sans verrière !

La Khamsin, dessinée par Marcello Gandini et dernière création achevée de "l’ingeniere" Giulio Alfieri pour Maserati, sortit en 1974 avec le V8 de 4.9 litres carter sec en position avant :
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A la sublime (ci-dessus) Quattroporte II Frua (V8 4.9 litres pont rigide de Indy) crée en deux exemplaires sous l'impulsion de l'Aga Kahn, les directions de Citroën et Maserati préférèrent le projet Quattroporte II Bertone, dessinée par Marcello Gandini, voiture tout aussi élégante mais plus moderne et surtout beaucoup plus sobre, une traction avant animée par le moteur V6 de la SM. Ci-dessous la Quattroporte II Bertone :
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Mécaniquement, il s’agissait d’une pure SM (le châssis était celui fourni par Citroën à Chapron pour sa SM à quatre portes, l'Opera) mais revêtue d’une belle carrosserie de berline tricorps dessinée pour Bertone par Marcello Gandini, qui venait de commettre la BMW série 5. Si on fait bien attention, il y a d'ailleurs beaucoup de similitudes entre la bavaroise et la Quattroporte II : le capot moteur débordant sur les ailes (en coquille de palourde), l’angle entre le pavillon et le coffre, la pente du coffre, la forme et la hauteur du pare-brise. Par ailleurs, les six phares carénés rappelaient la SM.


Le moteur de la Quattroporte II était le V6 C114 de la SM en version 2.9 litres, 210 cv et distribution renforcée, le même que celui équipant les Merak 2.9 litres. En phase avec les préoccupations du moment, la consommation se trouvait réduite d’un bon tiers au moins par rapport à une berline V8 de 4.9 litres mais au prix d’une vitesse de pointe (200 km/h) très modeste pour une Maserati, la plus modeste depuis la 2000 GT A6G 2 litres de 1950. Les grands attraits de cette voiture résidaient plutôt dans son confort exceptionnel (suspensions hydropneumatiques), son luxe intérieur, sa modernité, sa sécurité de tenue de route, sa grande classe et le prestige de son blason "Maserati". Elle eut été la première Maserati à traction avant si elle avait industriellement vécu et connu la production de série. Elle en était presque à l'entrée en production quand la foudre s'abattit sur Maserati !

En effet, en mars 1975 l’impensable se produisit, le cataclysme survint assez brutalement : Maserati fut mise en liquidation judiciaire par le groupe PSA qui englobait désormais Citroën ! Comment a-t-on pu en arriver là ? Par une conjonction de facteurs, bien sûr, mais dont l’élément essentiel fut le rachat de Citroën par Peugeot qui s’aperçut vite que la SM n’était pas rentable. Un peu à cause des problèmes initiaux de tendeurs de chaînes de distribution qui avaient terni sa réputation, un peu à cause de tout le tapage médiatique sur la crise pétrolière de 1973, les rythmes de vente de la SM se ralentissaient très franchement en 1974. Les dirigeants de PSA, le nouveau groupe comprenant Peugeot et Citroën, sacrifièrent la SM d'autant plus qu'ils avaient déjà dans leurs cartons le nouveau V6 PRV (Peugeot-Renault-Volvo) à 90 degrés comme le Maserati mais ne dépassant pas 126 cv en carburateurs pour 2.6 litres. Ces messieurs de PSA stoppèrent en 1975 la production de la majestueuse Citroën SM à moteur Maserati, le vaisseau amiral, la seule voiture de luxe française, oubliant quelque chose d'essentiel : le rêve, la passion, le désir ! Il ne s'agissait pas seulement de produire des caisses à roulettes comme on ferait des réfrigérateurs ou des machines à laver, mais de créer de l'art et des objets d'extase, surtout concernant Maserati, mais même pour Citroën ou Peugeot. Si de nos jours l’industrie automobile française a tant de mal en haut de gamme face aux voitures allemandes, il faut rechercher les raisons de ce déficit d’image et de capacité onirique ou fantasmatique des décennies en arrière, quand une voiture de 170-180 cv comme la SM paraissait excessive et déraisonnable, une vraie folie !
Durant la période 1970-1974, le moteur C114 fourni à Citroën pour la SM à 12 920 exemplaires représentait la moitié du chiffre d'affaire de Maserati ! Autant dire que la décision d'arrêter la production de la SM en 1975 condamnait Maserati.

Dès l’arrêt de la chaîne SM, la commande quotidienne de la vingtaine de moteurs C114 à l’usine Maserati cessa. Hors cette activité était cruciale pour l’usine de Modène au moment où, ambiance (artificielle) de crise aidant, les modèles Maserati surtout V8 (Bora, Khamsin) se vendaient mal. Maserati se trouva en sureffectifs. Plutôt que de proposer un plan social qui aurait été "houleux" tout en sortant les Quattroporte II V6 puis V8 qui auraient fort bien pu rencontrer le succès (les Jaguar XJ 6 et 12, les BMW 528 puis 728 et autres Mercedes 350 et 450 trouvèrent bien preneurs), le groupe PSA préféra aller au plus court et au plus simple, taillant dans le vif même si le bois n’était pas vraiment mort : Maserati fut déclarée en banqueroute et mise en liquidation. Attention : pas en vente, en liquidation !

Tout cela fut d’autant plus désolant que la "crise" pétrolière était surtout psychologique et amplifiée par la caisse de résonnance des media. Le prix de l’essence avait doublé en deux ans, certes, mais il faut dire qu’elle était particulièrement bon marché jusque-là. Mis à part le textile français qui commençait à délocaliser (mais pas l’italien), l’économie occidentale était tout de même extrêmement active. En fait, la situation "de crise" de 1973 (300 000 chômeurs "professionnels", pas ou très peu de déficit budgétaire des états) ferait rêver les économistes occidentaux de 2016. La clientèle pour des voitures luxueuses existait bel et bien comme le prouvèrent dans les années qui suivirent les francs succès de Ferrari, Porsche et du trio Mercedes-BMW-Audi.

Toute la communauté des amateurs d’automobiles fut choquée par la mise en liquidation de Maserati et le tollé fut général. Il paraissait à tous inconcevable qu’un nom tel que Maserati, qui avait écrit tant de pages de l’histoire des courses et du grand tourisme, disparaisse si brutalement.

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Les employés des Officine formèrent un comité de défense, occupèrent l’usine. Une délégation se rendit à la mairie de Modène, auprès des députés d’Emilia Romagna, devant les journalistes, faisant de cette faillite de Maserati un problème national. Sous la pression de l’opinion publique, émue et considérant que Maserati faisait partie du patrimoine industriel voire culturel italien, le gouvernement suspendit pour six mois la procédure de banqueroute et nomma un administrateur provisoire qui fut Romano Prodi, le futur président du Conseil italien. Au fur à mesure que le temps passait, des employés quittaient d’eux même les Officine, limitant le nombre de licenciés de 920 à 774.

Le 12 août 1975, un organisme d’Etat d’aide aux sociétés en difficultés, le GEPI, reprit Maserati avec une participation minoritaire (30 %) de l’industriel Alejandro De Tomaso qui en assura néanmoins la direction. Grâce à l’appui de son ami le ministre Carlo Donat Cattin (prononcer "Cattine"), Alejandro De Tomaso avait déjà pris le contrôle, épaulé par des fonds publics, des marques de moto Benelli et Moto Guzzi, mises en péril par la concurrence japonaise. Ce montage bien rodé fonctionna pour Maserati en 1975 puis pour Innocenti (usine Lambrate près de Milan) en 1976, plaçant De Tomaso à la tête d’un petit empire de sociétés mécaniques en difficultés. Ci-dessous Alejandro De Tomaso avec son "best seller", la De Tomaso Pantera :
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A peine arrivé à la tête de Maserati, Alejandro De Tomaso commit, à mon avis, une très grave erreur qui fut bien lourde de conséquences. Un matin de l’été 1975, en venant travailler via Ciro Menotti, l’ingénieur en chef Giulio Alfieri trouva ses affaires de bureau sur le parking de l’usine ! Congédié, remercié après avoir sauvé et tenu les Officine à bout de bras et d’intelligence pendant 22 ans ! Giulio Alfieri payait là le fait d’avoir favorisé Citroën plutôt que De Tomaso (qui avait effectué une première tentative) lors du rachat de Maserati en 1968.
Alejandro De Tomaso aurait presque du remercier Giulio Alfieri car il s'était finalement offert Maserati pour une somme dérisoire par rapport à ce qu'elle lui aurait coûté en 1968, lors de sa tentative précédente !

Alfieri n'aurait jamais quitté Maserati de lui-même. Il adorait la marque au trident et son génie aurait été bien utile, dans les années 80, pour mettre au point un moteur révolutionnaire, pionnier voire expérimental : le V6 Biturbo. On se prend à rêver de ce qu’aurait été l’épopée Biturbo si Giulio Alfieri avait dirigé sa conception et son développement. Les clients auraient essuyé moins de plâtres. Belle occasion manquée ! Le grand et sage Alfieri, dont la vaste culture et les autres centres d’intérêt dépassaient largement le cadre de l’automobile, trouva la force de surmonter l’affront dignement et se consola rapidement en prenant la direction de Lamborghini.

Pour clore le très long chapitre "Giulio Alfieri" de cette épopée Maserati vue à travers ses ingénieurs en chef, je vous propose une dernière photo de Giulio Alfieri prise au musée Panini près de l'Eldorado de 1958 :
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Giulio Alfieri est à droite en pardessus clair, aussi renfrogné qu'en 1958 ! Cette photo a été prise en 2000 ou 2001. Giulio Alfieri décédera en 2002 à l'âge de 78 ans. Devant lui en veston à carreaux se trouve Ermanno Cozza. De l'autre côté du moteur en chemise bleue nous avons Stirling Moss et tout à gauche en complet gris et pull bariolé le mécanicien Giulio Borsari.


Ci-dessous les même protagonistes autour de la même voiture en 1958 : Giulio Alfieri les bras croisés à gauche, Ermanno Cozza les mains dans le moteur presque au même endroit qu'en 2001, Giulio Borsari en blanc. Mais c'est Guerino Bertocchi (décédé en 1982) qui s'extraie du cockpit de l'Eldorado :
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Giulio Alfieri et Stirling Moss, Monza 1958 :
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Grazie, egregio ingeniere Alfieri, per avere tanto amato la Maserati !
Dernière modification par maseramo le dim. 15 mai 2016 19:23, modifié 1 fois.
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Re: Les hommes de Maserati : les ingénieurs

Message par William »

Maseramo, tu fais vivre l'histoire. Quelle fierté de reprendre le volant de ma Maserati après ça.
Le moteur des uns fait le malheur des autres.
ex Quattroporte 5 ZF
ex 3200 auto.


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Re: Les hommes de Maserati : les ingénieurs

Message par ciscoauto »

Merci Maseramo pour ce superbe passage sur l'ère Citroen ! Les Indy et Quattorporte II Frua sont plus des produits de l'ère Orsi que Citroen mais ils se trouvent à la jonction.

Ce qui ressort c'est qu'Alfieri était un homme pragmatique choisissant toujours la meilleure solution de fonctionnement, même si elle était coûteuse ou complexe.
Le seul dogme qu'il acceptait était celui de l'excellence. Pas d'entêtement sur des solutions archaiques si elle ne donnaient pas satisfaction. Beaucoup d'autres marques n'ont pas agi ainsi.

Ce choix de certaines solutions Citroen une fois dans le même groupe était logique. L'hydraulique Citroen offre un fonctionnement exceptionnel, notamment en terme de rapidité, de confort que ce soit pour la direction ou les freins.

La suspension hydraulique peut être discutable sur des modèles sportifs, le ressenti étant faible, la suspension hydraulique était donc logique pour la quattroporte II mais pas pour les modèles plus sportifs comme les Bora ou Khamsin.
Alors certes si la centrale de pression et le circuit global viennent de Citroen, les solutions hydrauliques Citroen ne se limitent qu'à la direction et aux freins (et aux suspattes dans le cas de la QPII).
EDIT: et assistance d'embrayage je pense.

Les autres actuateurs hydrauliques que sont le réglage en hauteur des sièges, du pédalier ou les commandes des feux viennent d'un autre fournisseur. Ces solutions ont été réalisées en premier pour un autre modèle dans une autre marque.

Petit quizz, quel fournisseur et pour quel modèle? :)
Dernière modification par ciscoauto le mar. 17 mai 2016 00:33, modifié 3 fois.
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maseramo
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Re: Les hommes de Maserati : les ingénieurs

Message par maseramo »

Merci Ciscoauto pour ces commentaires très précis.
Dans le livre de Marc Sonnery "Maserati, the Citroën years", on mentionne que Bosch participa aux systèmes hydrauliques d'ouverture des phares rétractables et d'ajustage de pédalier mobile sur Bora. Par contre, sur quel autre modèle de quelle autre marque cela avait déjà été installé ? Je suis bien curieux de le savoir ! :)
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Re: Les hommes de Maserati : les ingénieurs

Message par ciscoauto »

Exactement ! Ca vient de Bosch!

Pour aider sur la marque et le modèle, il faut regarder le réglages des sièges hydrauliques de la Khamsin.
Il n'y a pas eu beaucoup de modèles qui ont eu des sièges réglables hydrauliquement comme sur la Khamsin; Il n'y en a eu qu'un à ma connaissance!
Un modèle considérable qui se voulut la meilleure voiture du monde quand elle sortit au milieu des années 60.
Un modèle hors de prix sur lequel le constructeur avait investi des technologies novatrices et notamment recopié l'hydraulique Citroen, et malgré le prix faramineux, il perdit de l'argent sur chaque modèle sorti.
Cette voiture avait aussi les vitres hydrauliques, tellement rapides et puissantes qu'elle pouvait couper un doigt, un modèle fait à la main, une des rares limousines qui vaut aujourd'hui en collection un prix important.
Une grande marque dont le siège est installé pas très loin de Bosch. ;)
Pour ceux qui connaissent l'électricité italiennes des années 60/70 , ils peuvent témoigner que les systèmes sont parfois un peu "feignant", avec l'hydraulique ce n'est pas le cas.
Démonstration
https://youtu.be/_1n_sI5LCVM?t=81
Image
Dernière modification par ciscoauto le lun. 16 mai 2016 15:03, modifié 2 fois.
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Re: Les hommes de Maserati : les ingénieurs

Message par SMART »

c'est la Mercedes 600
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Re: Les hommes de Maserati : les ingénieurs

Message par SMART »

maseramo a écrit :En 1967, Citroën avait lancé un appel d'offre pour se procurer un V6 compact afin de motoriser un futur coupé.
Ni une ni deux, Giulio Alfieri tronçonna un V8 Maserati et présenta en trois semaines ce prototype à Citroën.
C'est le "Otto meno due" dont on reconnait les couvres arbres à cames tronçonnés avec l'inscription Maserati excentrée :
Je pense qu'il faut dater cet événement plus tôt d'au moins un voir deux ans avant.
selon certains les premiers contacts ont eu lieu au salon de Genéve 1965
maseramo a écrit :Au mois de juillet 1967, les Orsi père et fils accompagnés de Giulio Alfieri se rendirent à Paris au siège de Citroën,
quai de Javel. Durant toute une journée écrasante de chaleur à la veille des congés annuels, devant 26 ingénieurs français septiques
qui voyaient avec un a priori négatif cette intrusion étrangère, Giulio Alfieri détailla son projet de réalisation d’un moteur V6 très
compact de 2.5 litres et 170 cv destiné à prendre place en position centrale avant sous le capot du futur coupé Citroën SM
(S pour Spéciale ou Sport, M pour Maserati) qui, vaisseau amiral de la marque aux chevrons, se devait d’être une traction.
Idem il est très probable que cet événement ait eu lieu un an plus tôt car en septembre 1966 Citroen lance la fabrication d'un proto connu
sous le nom SER1 spécialement destinée à tester et comparer la solution Maserati par rapport au 4 cylindres doubles arbres Citroen.

Cette voiture initialement en immatriculation W sera définitivement équipée du moteur Maserati "définitif" et immatriculée 7125 UN 75 vers le mois d'octobre 1967

Image


Elle a été photographiée à Modene à cette péroide lors d'essais de mise au point et entre autres de comparaison avec des carbus Weber ou une injection Lucas.

Image
maseramo a écrit :Les ingénieurs de Citroën avaient besoin d’un V6 extrêmement compact pour le loger sous le capot de la SM de façon centrale longitudinale
entre la boîte de vitesse en avant et l’habitacle. Ils furent ravis du résultat, le V6 C114 d’Alfieri mesurant seulement 31 cm de long et,
tout aluminium, pesant moins de 140 kg.
Oui là on est dans la com Citroen avec ces 31 cm repris dans tous les articles...
Si on se mets devant ce moteur avec un triple décimétre la seule pièce qui correspond un peu près c'est la longueur du joint de culasse
et si on ajoute tout ce qui dépasse devant et derriere on arrive plutot à 50-60 cm...

Mais effectivement ils furent ravis car durant toutes la phase de développement jusqu'a la mise en production ils n'eurent jamais aucunes casses moteurs...
maseramo a écrit :Giulio Alfieri imagina l'architecture suivante : le vilebrequin entraînait à l'arrière, par une chaîne primaire, un arbre placé au centre
du V. Cet arbre entraînait à son tour par deux autres chaînes secondaires droite et gauche les deux arbres à cames par rangée de cylindres
qui ouvraient seulement deux soupapes à 90 degrés par cylindre, comme sur le V8 Maserati. L'arbre au centre du V entraînait vers l'avant,
au dessus de la boîte de vitesse, tous les nombreux accessoires électriques et autres pompes haute pression Citroën pour la suspension
hydropneumatique et l'hyper-assistance des freins et de la direction.


Cette solution (beaucoup moins intégrée) avait déjà été retenue par Citroen sur un proto de V8 développé en 1960
toujours dans cette même idée de Super DS

Image
maseramo a écrit :Cependant, ce brillant moteur C114 connut des soucis de fiabilité avant 50 000 km au niveau de sa distribution compliquée.
Ces trois chaînes nécessitaient des régulateurs de tension solides, ce qui n'était malheureusement pas le cas sur les premières séries de moteurs,
expliquant les déboires initiaux des possesseurs de SM. Lors des rétrogradages un peu violents, la chaîne primaire pouvait sauter d'un
cran quand elle commençait à se détendre après quelques dizaines de milliers de kilomètres ! On verra plus loin combien cette erreur de
Giulio Alfieri (peut-être un peu trop sûr de lui à cette époque) pesa assez lourdement sur l'avenir de la marque.

Cette distribution à triple chaines et arbre intermédiaire est dans le principe identique à celle du V8

et comme pour le V8 elle necessite au niveau des chaines secondaires un réglage régulier puisque la chaine est une pièce d'usure et que le tendeur n'est pas automatique contrairement à celui installé sur la chaine primaire.

Image

maseramo a écrit :Les moteurs à tendeur révisé ont un R frappé devant les numéros de la plaque d'identification.


Les moteurs dont le numero est précédé d'un R sont des moteurs "échange standard" c'est à dire des moteurs "remis à neuf" à Modene.
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Re: Les hommes de Maserati : les ingénieurs

Message par maseramo »

Merci à Ciscoauto et Smart pour cet éclairage sur la Mercedes 600 qui, je viens de regarder, avait une centrale hydraulique gérant plein de choses (ouvertures des portes, du coffre, les vitres, les sièges ...). Dingue !



Je guettais ton intervention, Smart. Moi, je me suis contenté de faire un peu la synthèse de ce que l'on trouve dans la littérature courante. Smart est vraiment un très grand connaisseur de la période Citroën de Maserati et je le remercie pour ses précisions super intéressantes qui enrichissent Maseratitude.

Juillet 1967 semble bien correspondre à la signature du rachat en 3 temps de Maserati par Citroën. ça me semblait un peu curieux que Giulio Alfieri ait présenté le C114 ce jour là mais c'est écrit tel quel sur deux sources différentes. Peut-être était-ce un "dévoilage" final à un plus large nombre de collaborateurs Citroën ?

Le bloc moteur est vraiment très court sur le C114 (les 31 cm me semblent correspondre pour le joint de culasse). Effectivement, pas mal de choses dépassent en arrière et en avant.

Confirmes-tu (ou pas) le fait que sur les premières séries de moteur, il n'y avais pas de tendeur sur la chaîne primaire ? Ou un tendeur mais mal adapté ? ça me semble pas clairement affirmé dans les livres ou articles.

Il y a un super dossier SM dans l'Automobile Ancienne n"22 du mois d'Avril 2016. Ils disent que le R correspond à une modification de tendeur de chaîne primaire (par Citroën en plus). Mais ils peuvent être moins bien informés. Ils disent que les chaînes secondaires "nécessitaient des re-tensions régulières, opérations aisées (mais manuelles, non automatiques). Détendues, elles se signalaient par un cliquetis, surtout perceptible à chaud lorsque l'on lâchait l'accélérateur et que le moteur retournait au ralenti". (Effectivement, le tendeur de chaîne primaire n'agit que sur la chaîne primaire). Ils parlent aussi de l'arbre de la pompe à huile qui est creux et peut se rompre, des soupapes au sodium, fragiles. Confirmes-tu ?

Peut-être peut-on dire un mot aussi de Georges Regembeau à Crêches sur Saône qui, des années durant , a fiabilisé et amélioré peut-être des centaines de SM. Tirant 250 à 300 cv du moteur ! Un sorcier génial qui apposait sa signature sur les C114 Maserati restaurés. Giulio Alfieri devint son ami ! Ils fêtent ensemble les 75 ans de Georges en 1995. Giulio Alfieri lui a offert une maquette en bois de SM :
Image



Merci Smart pour ton apport éclairé, tu es précieux pour Maseratitude :)
Dernière modification par maseramo le lun. 16 mai 2016 15:27, modifié 1 fois.
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Re: Les hommes de Maserati : les ingénieurs

Message par ciscoauto »

SMART a écrit :c'est la Mercedes 600
Gagné ! :Maze

Bosch a développé tout un paquet d'actuateurs et de composants hydrauliques pour la mercedes 600 , ouverture des fenêtres, réglages des sièges, fermeture du coffre, ouverture de la ventilation des jambes (!) etc etc .
Le monstre de Stuttgart est un exercice considérable d'ingéniérie, reprenant le bien fondé de la technologie Citroen et allant encore plus loin pour faire "la meilleure voiture du monde"... mais à un prix faramineux et sans la profitabilité de Citroen.

La complexité de ses systèmes aurait fait peur à n'importe quel bureau d'étude de l'époque.
Pas à Alfieri qui reprendra certaines technologies pour les Bora et Khamsin dans ce but d'excellence. Dans l'interview précédente, on comprend qu'Alfieri ne se préoccupe pas de la provenance des composants tant que le résultat est là. Ce n'est pas, à mon avis, une admiration pour Citroen qui lui fit utiliser les composants du chevron mais simplement sa passion de la perfection.

Il m'a fallu du temps pour admirer les Bora et Khamsin. Je suis souvent plus sensible aux lignes des 50s, l'arrière des Bora est un peu massif et la présence de certains composants plastiques à l'intérieur a moins de charme que les intérieurs des Mexico ou 3500 GT. Seulement en regardant dans le détail, les finitions, les technologies utilisées, la conception intelligente et en comparant à ce qui se faisait ailleurs on ne peut être qu'admiratif devant ces véhicules. Ce sont des voitures très avancées pour leurs époques, extraordinairement raffinées et largement incomprises.

Et Merci SMART pour ton post plein de précision historique !
Dernière modification par ciscoauto le lun. 16 mai 2016 21:49, modifié 1 fois.
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Re: Les hommes de Maserati : les ingénieurs

Message par Domi13 »

Merci Maseramo pource retour sur l'ère Citroën et à ciscoauto.
Et comme vous le soulignez, une belle aventure pour :Maze
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Re: Les hommes de Maserati : les ingénieurs

Message par SMART »

ciscoauto a écrit :Bosch a développé tout un paquet d'actuateurs et de composants hydrauliques pour la mercedes 600 , ouverture des fenêtres, réglages des sièges, fermeture du coffre, ouverture de la ventilation des jambes (!) etc etc .
Le monstre de Stuttgart est un exercice considérable d'ingéniérie, reprenant le bien fondé de la technologie Citroen et allant encore plus loin pour faire "la meilleure voiture du monde"...
Humm l'affaire était compliquée pour Mercedes qui était convaincu que Citroen avait "LA SOLUTION" mais qui détenait suffisamment de brevets pour controler la commercialisation.

Donc Mercedes pour quand même réagir à développé une suspension à air (que citroen avait lui aussi testé mais abandonné au profit de l'hydraulique plus performante)

L'affaire s'est débloquée une vingtaine d'années plus tard en 1974-75 avec la 6.9L quand une partie des brevets Citroen sont tombés dans le domaine public.
ciscoauto a écrit :Le monstre de Stuttgart est un exercice considérable d'ingéniérie, reprenant le bien fondé de la technologie Citroen et allant encore plus loin pour faire "la meilleure voiture du monde"... mais à un prix faramineux et sans la profitabilité de Citroen.
Malheureusement pour Citroen la DS qui est une grande réussite technique et industrielle a été un échec financier.
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