La Merak Turbo
La Merak Turbo jaune à côté de la Bora rouge.(photo Barth).
Encore un modèle unique ! Il s'agit de la toute première Maserati turbo de l'histoire de la marque.
Mais avant d'arriver à ce modèle historique, quelques mots de la Merak "de base".
La Merak, produite à 1820 exemplaires de 1972 à 1983, reprenait quasiment la carrosserie de la Bora mais équipée du moteur V6 C114 de la Citroën SM réalésé à 3 litres pour 190 cv et tout de même 240 km/h étant donné l'excellent CX de 0.30. A la différence du vitrage de la partie arrière de la Bora, la Merak était dotée d'un capot plat avec, pour souligner la continuité de la ligne d’avant en arrière, deux arc-boutants latéraux, non structurels (ils sont en fibre de verre) mais purement esthétiques et identificateurs au premier coup d’œil de la Maserati Merak car absolument uniques dans la production automobile.
La Merak turbo du musée Panini fut la première étape dans l'élaboration de la Biturbo sortie en 1981.
Chez Maserati en 1977, aucun motoriste, ni Aurelio Bertocchi, ni Ermanno Cozza, ni Ermanno Corghi n’avait l’expérience de la turbocompression. De Tomaso recruta Giordano Casarini qui, après un passage chez Ferrari, travaillait à Los Angeles au milieu des années 70 pour la société Spearco et possédait cette rare expérience. Casarini commença par installer en 1977 un turbo Garrett sur cette Merak 3 litres jaune. Le turbo fut placé tout à fait à l'arrière de l'auto et en bas, derrière la boite de vitesse. De Tomaso, qui essaya la voiture personnellement, fut enthousiasmé par ses performances et sa vivacité. Il envisagea même un instant de produire une Merak Turbo puis se ravisa, préférant réserver cette technologie à la future nouvelle venue.
La Merak Turbo s'identifie par ses prises d'air supplémentaires sur les ailes arrière :
Vinrent ensuite les étapes suivantes dans la genèse du moteur Biturbo.
Casarini travailla sur le nouveau V6 à 18 soupapes. A la différence de la Merak, il fut impossible de glisser le turbo devant ou derrière le moteur et sa mise en place au centre du V s’avéra vite extrêmement compliquée avec de nombreux collecteurs d’échappement détournés qui se croisaient en tous sens et "mangeaient" toute la place de l’admission. Il semble bien qu’en discutant avec Giordano Casarini devant cet imbroglio de tubulures, Alejandro De Tomaso eut l’intuition de sa vie, une idée lumineuse lancée comme une boutade : « pourquoi ne pas installer un turbo par rangée de cylindres, tout contre l’échappement latéral, donc facilement accessible ? ». Casarini resta bouche bée, comment n’y avait-il pas pensé lui-même ?
Cette disposition en turbo -V- turbo (.V.) était extrêmement logique, ne nécessitait presque pas de modification de l'échappement et reste toujours d'actualité de nos jours 35 ans plus tard quand il s'agit de turbo-compresser un moteur en V, comme en témoignent les toutes dernières Audi S6 ou Nissan GTR ou les V6 et V8 des berlines Maserati Quattroporte VI et Ghibli III.
Giordano Casarini, tout excité, s’exécuta et plaça pour la première fois un turbo de part et d’autres du moteur et en bas, à l"ombre" des hauts du V largement ouvert à 90 degrés, sous le porte-à-faux des culasses, les axes des turbos parallèles au vilebrequin du moteur, les ailettes entraînées par les gaz d'échappement à l'arrière, celles de compression de l'air frais à l'avant.
Mais avec les turbocompresseurs habituels du marché (les Garrett américains ou les KKK allemands), l’ensemble V6 plus les deux turbos n’entrait pas entre les deux longerons du projet déjà très avancé et impossible à remanier du designer Andreani pour la Biturbo ! Alejandro De Tomaso, guidé par Giordano Casarini, s’orienta alors avec succès vers les plus petits turbocompresseurs du marché de l’époque, des IHI japonais (Ishikawajima-Harima heavy-Industries) qui venaient d’être étudiés et mis au point pour un petit moteur Daihatsu. La chance sourit parfois : grâce au poids plume des pièces en mouvement (125 grammes seulement pour l’axe et les ailettes d’échappement et de compression sur le IHI), De Tomaso résolut, sans le faire exprès, le problème du temps de réponse, quasiment inexistant sur les Maserati Biturbo. Si des Garrett ou des KKK étaient passés entre le flanc du moteur et les longerons, les Biturbos auraient probablement un peu souffert du "turbo lag" !
Pendant ce temps, la Merak Turbo restée exemplaire unique avait rejoint le fond historique Maserati, telle un emblème idéal pour illustrer le début de l'épopée Biturbo.
Pour plus d'info sur la Merak de base :
http://www.maseratitude.com/viewtopic.php?f=12&t=2434