Ci-dessous Jean Behra au volant d'un chef d'œuvre mécanique : la Maserati 250 F :
Georges m'a aussi renseigné sur les tous débuts de son frère qui travaillait à Nice comme mécanicien dans un magasin de motos Magnat-Debon, sous-marque de Terrot. Très enthousiaste, Jean Behra se fit prêter des Motos pour participer à des courses locales qu'il remporta, puis il vendit la Citroën traction familiale pour s'acheter une Terrot de course !
C'est sur Moto Guzzi qu'il devient champion de France moto 4 années de suite (1948-1949-1950-1951).
Il est remarqué par Amédée Gordini et devient pilote d'usine Gordini en Formule 1 et en Sport (1952-1953-1954).
Puis il est pilote d'usine pour Maserati en Formule 1 et en Sport pendant trois ans (1955-1956-1957).
En 1958, Jean Behra pilote chez BRM en Formule 1 et chez Porsche en Sport.
En 1959, Jean Behra pilote chez Ferrari en Formule 1 et Sport puis chez Porsche en Sport tout en participant à des courses de Formule 2 sur sa Behra-Porsche.
A l'arrêt des compétitions de Maserati fin 1957, Jean Behra a signé chez BRM (British Racing Motors) en Formule 1 pour 1958. Georges se souvient que Jean avait investi beaucoup d'espoir dans cette marque mais il fut très déçu. "Il n'y avait pas de fiabilité. De plus, les freins in-board chauffaient et perdaient toute efficacité. C'est ce qui explique sa sortie de route à Goodwood alors qu'il menait la course. "
Jean sans freins parvient à éviter les tribunes mais percute un mur de briques à environ 120 km/h au moment de l'impact. Il en est miraculeusement quitte pour un coup du lapin, une grosse contusion de la cuisse gauche et quelques cotes fracturées. La tête n'est pas passée loin du mur de brique ! Jean ne portait pas son casque habituel ce jour là et sa BRM ressemblait beaucoup à une Maserati 250 F avec sa prise d'air à droite :
Sa saison 1958 de Formule 1 chez BRM fut décevante alors qu'il obtint de beaux résultats sur Porsche en Sport (2ème à la Targa Florio, 3ème au Mans).
Chez Ferrari en Formule 1 l'année suivante, ça s'est mal passé aussi. Enzo Ferrari n'aimait pas du tout que son pilote de Formule 1 développe en même temps sa propre monoplace de Formule 2 à moteur Porsche central arrière (1.5 litres), construite qui plus est à Modène chez De Tomaso , et affinée sur l'Autodromo Di Modena par Jean Behra entre deux séances sur Ferrari (la piste de Ferrari à Fiorano n'était pas encore construite à l'époque).
Georges m'a appris qu'Enzo Ferrari avait catégoriquement interdit à Jean Behra de qualifier sa Behra-Porsche en Formule 2 au Grand Prix de Monaco 1959, alors que Jean venait de signer le second temps des essais sur sa Ferrari 246 de Formule 1. Jean a alors confié sa Behra-Porsche non encore peinte en bleu à Maria Teresa De Filippis qui n'a pas réussi à la qualifier. Ci-dessous Maria Teresa sur Behra-Porsche aux essais à Monaco 1959 :
D'après Georges, si Ferrari avait laissé Jean Behra piloter la Behra-Porsche, il l'aurait qualifiée. Toujours est-il qu'en Formule 1, Jean Behra partit comme une flèche lors du Grand Prix de Monaco 1959 et doubla dès le départ la Cooper-Climax de Stirling Moss qui avait fait la pole. Jean mena la course avec sa Ferrari pendant 25 tours mais, d'après Georges, il savait que son moteur ne tiendrait pas. Effectivement, au virage du Gazomètre, celui-ci explosa. Dépité, Jean Behra rentra aux stands en roues libres. Georges nous apprend que, dans les stands, Jean a sauté hors de la voiture qui avançait encore et est allée "se garer contre le muret toute seule 10 mètres plus loin" ! Cette nonchalance de Jean rendit fou Romolo Tavoni, le manager de Ferrari et, selon Georges, cet épisode des stands à Monaco marqua le début de la fin entre ce manager et Jean. Cette mésentente aboutira à la fameuse gifle de Jean Behra à Romolo Tavoni après le Grand Prix de France à Reims où le moteur de la Ferrari du champion français avait rendu l'âme alors qu'il se battait pour la victoire.
Jean Behra fut immédiatement renvoyé de chez Ferrari à cause de cette gifle, évènement à ma connaissance rarissime pour ne pas dire unique !

Ci-dessus Jean Behra brillant sur sa Ferrari de Formule 1 à Reims en 1959. Il ne sait pas encore que c'est la dernière fois qu'il pilote pour Ferrari.
Georges me précise que son frère était très gentil mais qu'il ne fallait pas le pousser à bout. "la moutarde lui montait vite au nez et c'est une caractéristique des Behra en général" !
Georges poursuit : "Jean était un impulsif, un combattant, et c'est d'ailleurs sans doute pour cela qu'il est mort. Lors de cette course sans grand enjeu sur le vieux circuit de l'Avus à Berlin le 1er aout 1959, Jean était en 3ème position sur une Porsche client avec deux Porsche d'usine devant lui (pilotées par Wolfgang Von Trips et Jo Bonnier). Il aurait pu se contenter de les suivre. Non, il voulait les dépasser, ce qui était impossible à la régulière. Son idée fut sans doute de monter très haut dans le virage relevé pour profiter de la descente en fin de virage et les doubler malgré la puissance moindre de sa voiture. Malheureusement, il a dérapé sous la pluie dans la portion très haute, presque verticale, de ce virage et s'est tué. Il n'est pas mort dans la voiture, qui a frappé de l'arrière un ancien socle de DCA (canons anti aériens de la seconde guerre mondiale). Il a été éjecté et a malheureusement heurté de plein fouet un poteau. A l'époque, l'habitude était de ne pas restaurer une épave dans laquelle un pilote était mort. Mais comme il n'était pas mort dans cette voiture, la Porsche fut restaurée."
Ci-dessous probablement l'une des dernières photos de Jean Behra juste avant son accident :
Presque 60 ans se sont écoulés depuis ce triste jour, mais l'émotion et les regrets sont toujours là. Jean Behra n'avait que 38 ans qu'il a parcourus à toute vitesse en laissant une trace indélébile dans l'histoire de la course automobile. Ses ultimes concurrents, Wolfgang Von Trips et Joakim Bonnier, perdront eux aussi la vie en course quelques années plus tard.