Dossier Jean Behra

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Dossier Jean Behra

Message par maseramo »

Chers amis,

pour préparer l'interview de Georges Behra (le petit frère de Jean Behra)
http://www.maseratitude.com/viewtopic.php?f=9&t=5910
j'ai compulsé pas mal de documentation sur Internet plus le précieux livre de Jean-Luc Fournier "Jean Behra, le prince des damiers".

Agrémentant ces données des témoignages et anecdotes livrées par Georges Behra, on obtient ce dossier que je suis heureux de vous présenter aujourd'hui sur Maseratitude.
Dernière modification par maseramo le mer. 28 mars 2018 23:42, modifié 1 fois.
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Re: Dossier Jean Behra

Message par maseramo »

Jean Behra fut l'un des meilleurs pilotes de sa génération et il a même failli, en 1956, devenir le premier pilote français sacré champion du monde de Formule 1. Cette année-là sur Maserati 250 F, Jean Behra pouvait encore être sacré lors de la dernière course de la saison, le grand prix d'Italie à Monza, mais il dut s'incliner pour le titre devant des rivaux exceptionnels, Juan Manuel Fangio (Ferrari), Stirling Moss (Maserati) et Peter Collins (Ferrari), les quatre premiers au championnat se tenant en 8 points !


Voici ci-dessous Jean Behra avec son célèbre casque à damier durant sa période "Maserati" (1955-1956-1957) :
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Mais remontons un peu le temps. Jean Behra naît à Nice le 16 février 1921. Son père est radio-électricien et Jean grandit dans le quartier Saint-Sylvestre. Sa combativité ne tarde pas à s'exprimer en bicyclette : il est champion cycliste de la cote d'Azur dès 17 ans en 1938.

(Quelqu'un avait posté sur Maseratitude il y a quelques mois une photo de Jean Behra dans sa période "vélo" mais je n'arrive pas à la retrouver. Je lance donc un avis de recherche sur cette photo !)



Georges Behra nous a renseignés sur les débuts de son frère qui travaillait à Nice dans l'immédiat après -guerre comme mécanicien dans un magasin de motos Magnat-Debon, sous-marque de Terrot. Très enthousiaste, Jean Behra se fait prêter des motos pour participer à des courses locales qu'il remporte, puis il vend la Citroën traction familiale pour s'acheter une Terrot de course !

Jean Behra entâme alors une carrière de pilote moto professionnel, disputant une ou deux courses tous les week-end et parvenant à vivre et faire vivre femme (Charlotte) et enfant (Jean-Paul) grâce aux primes remportées. Il court sur ses motos personnelles (Terrot 350 puis surtout Guzzi 500).

Il devient quatre fois consécutives champion de France moto sur ses Guzzi 500 (1948-1949-1950-1951).


Ci-dessous Jean Behra champion moto sur Guzzi 500 :
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Jean Behra est déjà très connu du grand public à la fin des années 40 grâce à ses exploits en moto :
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Dernière modification par maseramo le dim. 20 mai 2018 20:29, modifié 5 fois.
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Re: Dossier Jean Behra

Message par maseramo »

En 1949 a lieu la première course de Jean Behra en voiture, et quelle voiture ! On lui prête une Maserati 4 CL (1500cc à compresseur) pour la course de côte du Mont Ventoux où il signe le 3ème temps et se fait remarquer par Amédée Gordini. Ci-dessous Jean Behra au Mont Ventoux en 1949 sur Maserati (c'était un signe !):
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Notez que jean Behra n'a pas de casque (il ne sera obligatoire en course automobile qu'en 1952).


Amédée Gordini est impressionné par le "coup de volant" de "l'as du guidon français" et lui confie une Simca-Gordini pour le rallye de Monte Carlo 1950. Jean Behra l'amène à la 3ème place au scrach et à la 1ère place en 1100 cc. Ci-dessous Jean Behra avec presque la même voiture en 1951 :
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En 1952, Jean Behra cesse de courir en moto et devient pilote officiel de l'écurie Gordini (monoplaces Formule 1 et 2 et barquettes Sport).

Ci-dessous Jean Behra fier dans la Gordini 2 litres de Formule 1 avec laquelle il lutte contre Alberto Ascari (Ferrari 500) ou Froilan Gonzales (Maserati A6GCM) puis Juan Manuel Fangio en 1953 (Maserati A6GCM "interim"). C'est l'époque du championnat de Formule 1 en 2 litres.
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Jean est concentré avant le départ du Grand Prix de France qu'il va brillament remporter à Reims en 1952 devant Ascari sur Ferrari :
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Ci-dessous après cette belle victoire à Reims, Amédée Gordini à gauche, Jean Behra au centre et Robert Manzon (deuxième pilote Gordini, abandon sur rupture de pont alors qu'il était 3ème) :
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Dernière modification par maseramo le dim. 20 mai 2018 20:30, modifié 4 fois.
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Re: Dossier Jean Behra

Message par maseramo »

Le casque devient obligatoire en course auto en 1952. Jean Behra le veut très reconnaissable : blanc avec un damier à la base. Ce sera son signe distinctif par rapport à ses concurents (casque brun sombre pour Fangio, casque tout blanc pour Moss) :
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Grâce à son casque, les spectateurs repèrent facilement Behra sur Gordini au Nürburgring 1953 :
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Les très compactes Gordini sont bleues et se reconnaissent facilement parmi les Ferrari et Maserati rouges :
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A cette époque, on pouvait piloter en chemise à carreaux une Formule 1 qui atteignait quand même 250 km/h !



Notez l'apparition du petit aileron derrière la roue avant. Les Maserati 250 F ont le même :
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Amédée Gordini est en blanc.
Pour le Grand Prix de Suisse cette année là ou la précédente, le moteur de Formule 1 de la monoplace de Jean Behra était neuf et non rodé au départ de Paris. Jean Behra décida de faire le trajet entre Paris (ateliers Gordini 69-71 boulevard Victor) et Bern avec sa Formule 1 pour roder le moteur. Seul probléme : la nuit tomba au 2/3 du parcours et Jean se plaça devant le camion Lancia de l'écurie Gordini pour profiter de ses phares ! Quelle époque !



Jean Behra court trois ans pour Gordini (1952-1953-1954) avec énormément de records du tour et de temps en tête en course mais finalement peu de victoires car les Gordini sont très fragiles et la société manque cruellement d'argent. Il y a même des souscriptions financières lancées par voie de presse auto voire même de presse généraliste : "aidez Gordini" !
Amédée Gordini inscrit ses voitures à beaucoup de course pour toucher les primes de départ, mais il n'a souvent pas les moyens de réviser suffisamment ses voitures qui ont déjà plusieurs courses au compteur et nécessiteraient normalement de nombreux changements de pièces coûteuses.


Outre le Grand Prix de Reims 1952, à noter malgré tout quelques belles victoires de Jean Behra sur Gordini : le Grand Prix d'Aix les Bains 1952, le tour de France auto 1953, le Grand Prix de Pau 1954 et la coupe du salon à Montlhéry 1954.



Ci-dessous Jean Behra victorieux au tour de France auto 1953 sur barquette Gordini 3 litres avec son mécanicien embarqué, Alfred Barraquet :
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Ci-dessous Jean Behra remporte le très réputé Grand Prix de Pau 1954 sur Gordini après un duel acharné avec Maurice Trintignant (dit "Pétoulet") sur Ferrari :
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Notez le nez cabossé de la Gordini !



Amédée Gordini est souriant après cette victoire mais Jean Behra sait déjà que son avenir est ailleurs :
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Les deux hommes s'estiment mutuellement et Jean Behra n'oublie pas qu'il doit à Amédée Gordini son premier contrat de pilote usine. Cependant, tous les experts considèrent fin 1954 que Jean Behra est l'un des trois meilleurs pilotes au monde, peut-être un peu en dessous de l'incomparable Juan Manuel Fangio, en tout cas au niveau de Stirling Moss.

Voici ce que Moss dit de Behra :
« Quand je doublais mes adversaires, Ascari et les autres, je ne m’inquiétais pas, j’étais sûr de ne pas les revoir, mais quand je doublais Jean, je n’étais jamais sûr qu’il ne s’accrocherait pas et me repasserait plus tard ! C’était un vrai coureur, le plus vite possible quels que soient la voiture, les circonstances, toujours le plus vite possible : tel était Jean Behra»


Jean Behra a 33 ans en 1954. Il a aussi besoin d'une certaine reconnaissance financière de son talent alors que Gordini ne peut le payer qu'au compte goutte ! Il a surtout besoin de voitures qui ne le lâchent pas régulièrement alors qu'il mène la course en tête.


Avec sa générosité habituelle qui émeut tant le public, il s'est dépensé sans compter pour Gordini, a couru des risques considérables, s'est souvent blessé comme à la Panamericana 1952 où, caracolant en tête sur la barquette Gordini, il sortit de la route car un spectateur mexicain qui avait eu trop chaud avait posé sa veste sur le panneau annonçant un virage !


Voici la liste des blessures de Jean Behra dans sa période Gordini :

1952 : omoplate droit cassé et côtes fissurées aux Sables d'Olonne (12 jours d'arrêt seulement, Behra est second à la course suivante à Caen 13 jours plus tard !)
1952 : sept côtes cassées, plaies frontales et bout du nez à la Panamericana (dernière course de l'année donc blessures pas trop génantes pour la suite)
1953 : vertèbre lombaire tassée et bras droit cassé à Pau (10 semaines d'arrêt)



Fin 1954, la mort dans l'âme car c'est un sentimental, Jean Behra estime quand même avoir rempli son contrat et signifie à Amédée Gordini qu'il doit le quitter pour une écurie plus performante. Le "sorcier" est triste mais comprend. Jean Behra est engagé chez Maserati où il fera trois belles saisons (1955-1956-1957).
Dernière modification par maseramo le dim. 20 mai 2018 20:32, modifié 3 fois.
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Re: Dossier Jean Behra

Message par maseramo »

En 1955, Jean Behra arrive chez Maserati avec le titre de premier pilote et fait équipe avec l'argentin Roberto Mieres et l'italien Luigi Musso.

En Formule 1 en 1955 sur la Maserati 250 F , Jean remporte les réputés Grand Prix de Pau et de Bordeaux et signe des podium, notamment une belle 3ème place à Monaco. Je vous rapelle que cette année là, les Mercedes de Fangio et Moss rafflent presque tous les Grand Prix.

Ci-dessous juste avant le départ du très réputé Grand Prix de Pau :
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On remarque Alberto Ascari à gauche et Guerino Bertocchi à droite.


Ci-dessous, Jean Behra sur 250 F châssis #2516 mène la danse au Grand Prix de Pau devant Alberto Ascari sur Lancia D50 et remporte la victoire :
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Ci-dessous Behra fonce vers la victoire au Grand Prix de Bordeaux 1955 :
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Le jeune maire de Bordeaux Jacques Chaban-Delmas, Jean Behra et le coureur cycliste Guy Lapébie :
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Dernière modification par maseramo le dim. 20 mai 2018 20:33, modifié 1 fois.
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Re: Dossier Jean Behra

Message par maseramo »

Jean Behra se classe 4ème au Grand Prix de Monza 1955 sur la 250 F semi-carénée (#2518) qui essaye de contrecarrer les Mercedes qui disposent d'une carrosserie totalement carénée pour les circuits rapides :
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A l'autodromo di Modena, Jean est manifestement heureux de tester début 1955 le prototype 300 S (qui deviendra par la suite la 150 GT) :
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Noter Guerino Bertocchi en casquette.
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Petit topo sur ce châssis mythique 003/#2043 qui deviendra l'exemplaire unique 150 GT :
http://www.maseratitude.com/viewtopic.php?f=12&t=2306
Dernière modification par maseramo le dim. 20 mai 2018 20:34, modifié 1 fois.
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Re: Dossier Jean Behra

Message par maseramo »

Jean fera une belle saison 1955 en catégorie Sport avec la 300 S (victoire au très fameux supercortemaggiore à Monza et au Grand Prix du Portugal) ou avec la 150 S (victoire au Nürburgring).

Ci-dessous victoire aux 500 km du Nürburgring 1955 sur 150 S #1656 (moteur rodé-réglé par Ermanno Cozza) devant une armée de Porsche 550 :
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Contrairement aux 1000 km du Nürburgring, les 500 km étaient réservés aux moins de 1.5 litres de cylindrée.
Cette victoire aura un grand retentissement commercial sur les ventes de Maserati 150 S aux gentlemen drivers !



Jean termine 4ème au Grand Prix de Suede sur 300 S derrière Fangio sur Mercedes :
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Ici en octobre 1955 Jean Behra sur 300 S #3054 au Tourist Trophy en Irlande du Nord derrière la Cooper Jaguar de l'écurie Whitehead :
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Quelques instant avant l'accident, on devine que jean porte des lunettes de rechange au cou :
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Jean sort de la route et le choc est très rude : fractures du bas et de l'avant bras droits, casque fendu, vilaine plaie de la joue droite, oreille droite totalement sectionnée par les verres de la lunette de rechange (Jean n'en portera plus par la suite).

Il fut impossible de retrouver l'oreille sectionnée. Jean portera une prothèse de pavillon de très bonne qualité, fabriquée en Angleterre.

On m'a raconté que Jean s'est beaucoup amusé par la suite à enlever son oreille en plastique devant des enfants éberlués ou à laisser son oreille sur les oreillers des hôtels, ce qui faisait hurler d'effroi les femmes de ménage !
Il a aussi fait s'évanouir une anglaise lors d'un cocktail en enlevant son oreille et en lui disant : "Ah vous êtes anglaise, regardez, c'est made in England, de très bonne qualité" !

Rassurez vous, la 300 S # 3054 fut encore plus vite réparée que son pilote. Elle participa 1 mois plus tard à la Targa Florio avec Luigi Musso et Luigi Villoresi en remplacement de Jean Behra qui avait le bras dans le platre.

Heureusement, cet accident est survenu en fin de saison 1955 et ne fit perdre que peu d'engagements en compétition à Jean.
Dernière modification par maseramo le dim. 20 mai 2018 20:35, modifié 2 fois.
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Re: Dossier Jean Behra

Message par maseramo »

1956 fut l'une des meilleures saisons pour notre héro qui fait équipe avec un autre très grand as du volant : Stirling Moss.

En Formule 1, Jean Behra ne remporte pas de courses en 1956 mais signe une belle série de podium : 2ème en argentine (la Ferrari victorieuse de Fangio n'a pas été discalifiée malgré une poussette interdite dans les stands vue par tous sauf par le commisaire principal !) 3ème à Monaco, Reims, Sylverstone et au Nürburgring !

Grâce à cette belle régularité et malgré l'absence de victoire, Behra mène longtemps au championnat devant Fangio (Ferrari dérivée de la Lancia D50) et Moss (Maserati 250 F).

Mais après un abandon à Monza, il devra finalement s'incliner devant ces rivaux prestigieux.

Fangio, Moss, Behra étaient, de l'avis de nombreux spécialistes, les trois meilleurs pilotes de cette époque et ils ont tous piloté pour Maserati :
Behra en F1 et Sport en 1955, 1956 et 1957
Moss en F1 et Sport en 1956 puis que en Sport en 1957 (Vanwall en F1 en 1957)
Fangio en F1 et en Sport en 1957

Ainsi, en Sport en 1957, ils étaient tous les trois chez Maserati !!!

Ce sont des années fabuleuses pour Maserati qui dispose de l'élite des pilotes mondiaux.



Quelques images de Jean Behra à Monaco en 1956 sur la 250 F qu'il amène à la troisième place derrière Moss (Maserati) et Fangio (Ferrari):
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En Sport, formidable victoire aux 1000 km du Nürburgring de l'équipage Moss et Behra sur 300 S :
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Un jean Behra heureux à droite partage la couronne de lauriers des 1000 km du Nürburgring avec Stirling Moss au centre et le chef mécanicien-essayeur Guerino Bertocchi à gauche :
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Dernière modification par maseramo le dim. 20 mai 2018 20:36, modifié 1 fois.
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Re: Dossier Jean Behra

Message par maseramo »

En 1956, Jean s'adjuge aussi les 1000 km de Paris sur 300 S ainsi que les Grands Prix de Bari et de Rome sur la toute nouvelle 200 S.

Ci dessous Jean à la Suppercortemaggiore 1956 avec la belle 200 S, la plus fine des Maserati barquettes S :
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La dernière course de l'année 1956, c'est le tour de France auto. Jean Behra (avec son frère José comme copilote) termine à une très belle 5ème place sur une modeste Porsche 356 de 1.5 litres, tout près des quatre premiers qui ont des 3 litres : De Portago sur Ferrari 250 Europa, Moss sur Mercedes 300 SL, Gendebien sur Ferrari 250 GT et Cotton sur Mercedes 300 SL.

A cette occasion, Jean comprend qu'un petit moteur à l'arrière peut rivaliser avec un gros moteur avant. L'idée fera du chemin et aboutira à la Behra-Porsche de 1959.


Finalemant, l'année 1956 fut la seule où Jean Behra ne s'est pas blessé !
Dernière modification par maseramo le dim. 20 mai 2018 20:37, modifié 1 fois.
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Re: Dossier Jean Behra

Message par maseramo »

En 1957, pour sa dernière saison chez Maserati, Jean Behra fait équipe avec Juan Manuel Fangio en Formule 1 et en Sport . Stirling Moss, passé chez Vanwall en Formule 1, reste cependant chez Maserati en Sport.

Fangio, après une année 1956 psychologiquement très difficile chez Ferrari, se sent "comme à la maison" chez Maserati et domine largement en Formule 1, amenant la 250 F au titre de champion du monde.


Jean signe de beaux podium (2ème en Argentine et à Reims) et des victoires dans des Grands Prix de Formule 1 ne comptant pas pour le championnat du Monde, bien qu'ils soient réputés et dotés de larges primes (Pau, Modène, Maroc).

Quelques belles images de Jean dans une 250 F qui s'affine de plus en plus au fil des années et devient "la plus belle Formule 1 à moteur avant"(ce n'est pas moi qui l'ai dit), l'archétype même de ce type de voiture qui va bientôt disparaître :
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En 1957, Jean essaye la 250 F à moteur V12, encore plus belle. Cependant le V12 manque de couple à bas régime et, comme Fangio, Behra préfère la 6 cylindres :
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Juste sublime :
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On refait le plein d'huile de la 250 F de Jean Behra "à la seringue" sous le regard de Guerino Bertocchi en casquette à droite :
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Dernière modification par maseramo le dim. 20 mai 2018 20:38, modifié 1 fois.
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Re: Dossier Jean Behra

Message par maseramo »

1957, c'est aussi l'arrivée de la 450 S, cette barquette surpuissante (V8 de 4.5 litres 400 cv pour 790 kg plus de 300 km/h) qui est la plus rapide voiture de course de ces années et fait peur à tous les pilotes, même un peu à Fangio. Pas à Behra qui a tout de suite adoré ce monstre qui "a une alonge phénoménale".


Jean amène à l'autodrome de Modène son petit frère cadet (Georges Behra, 21 ans) pour le premier essai de la 450 S. Comme il y a deux places, il propose à Georges de s'installer à côté de lui. 60 ans après, Georges en tremble encore :"ça poussait indéfiniment, les lignes droites paraissaient ridiculement courtes, j'avais l'impression qu'on allait jamais ralentir avant les virages tant ça allait vite et que Jean freinait tard. Cette 450 S faisait un bruit terrible avec ses échappements sortant des flancs de chaque côté, on aurait dit le bruit d'un hélicoptère. Il y avait deux places mais c'était très rudimentaire, pas de ceintures de sécurité, un petit saute vent et c'est tout. Avec cette voiture extraordinaire, mon frère et Fangio ont remporté un peu plus tard les 12 heures de Sebring 1957 !"

Sur ce bolide de folie, l'équipage Fangio-Behra remporte en effet haut la main les 12 heures de Sebring 1957 en pulvérisant littéralement tous les records de l'épreuve :
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Fangio en casquette échange avec Behra lors des essais à Sebring 1957 :
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Guerino Bertocchi est entre les deux pilotes.

Deux génies du pilotage (Fangio a des lunettes de rechange autour du cou, pas Behra depuis son accident au Tourist Trophy 1955) :
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Behra mène la course :
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A l'arrivée, toujours de nuit à Sebring :
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Re: Dossier Jean Behra

Message par maseramo »

Malheureusement, Jean Behra se blesse lors des essais sur route en prévision des Mille Miglia 1957. A près de 200 km/h avec la 450 S sur route ouverte près de Modène, un camion qu'il double lui cache un virage, il part en tonneau dans un champ.

Jean Behra commenta lui-même cet accident : "je plongeais dans l'habitacle quand la barquette se retournait et j'essayais d'être éjecté quand elle était dans le bon sens", ce qui se produisit.
Incroyable analyse de la situation, "même durant l'accident , on a le temps de penser" !

Les paysans ahuris voient Jean Behra se lever et venir examiner l'état de la voiture, il a juste un poignet cassé. Il devait participer aux Mille Miglia trois jours plus tard avec le père Sergio Mantovani comme copilote. Ce prêtre de la paroisse Santa Caterina dont dépend l'usine Maserati est un passionné de course automobile et taquine parfois lui-même le volant sur l'autodromo di Modena. Il est devenu au fil des années le confident et l'ami de Jean Behra. Don Sergio fut déçu de ne pas participer aux Mille Miglia mais heureux que Jean ne sois pas trop sévèrement blessé, suffisament cependant pour déclarer forfait pour le Grand Prix de Monaco et les 1000 km du Nürburgring. Ci-dessous, Don Sergio Mantovani, Jean Behra et Harry Shell :
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Poignet rétabli, Jean remporte le très disputé Grand Prix de Modena 1957 sur 250 F #2528 :
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et le Grand Prix de Suède 1957 sur 450 S #4507 en équipage avec Moss :
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Ci-dessous après le Grand Prix de Suède, Joachim Bonnier (3ème avec Giorgio Scarlatti sur Maserati 300 S derrière les seconds Peter Collins-Pill Hill sur Ferrari 335 S) et l'équipage vainqueur Jean Behra-Stirling Moss sur Maserati 450 S #4507 :
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Re: Dossier Jean Behra

Message par maseramo »

Jean Behra à Aintree au Grand Prix d'Angleterre qu'il a failli gagner car il menait largement la course jusqu'à ce que l'embrayage de sa 250 F #2528 ne le lâche dans les derniers tours :
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Jean est à ce moment un peu dépité de ne parvenir à remporter un Grand Prix comptant pour le championnat du monde de Formule 1, d'autant plus que son équipier chez Maserati, Juan Manuel Fangio, est sacré champion du Monde dès le mois d'août au Nürburgring.

Jean accepte alors la proposition fort bien payée de Raymond Mays, le patron de BRM (British Racing Motors), de piloter une BRM de Formule 1 au Grand Prix de Caen 1957 et au Daily Express International Trophy 1957 à Silverstone, courses auxquelles Maserati n'est pas engagée.
Jean remportera ces deux courses avec une BRM 4 cylindres mais assez proche esthétiquement de la Maserati 250 F avec sa prise d'air à droite :
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Notez les amortisseurs extérieurs à l'arrière !


A la fin de la saison, Jean Behra participe au Grand Prix d'Italie à Monza avec la Maserati 250 F à moteur V12 330 cv #2531 mais, là encore, il ne parvient pas à suivre Juan Manuel Fangio sur sa 250 F 6 cylindres 270 cv, moins véloce mais plus prompte à se relancer.
Ci-dessous Behra sur la V12 puis Fangio sur la 6 cylindres au même endroit à Monza :
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Jean se console en remportant sur Maserati 250 F le Grand Prix du Maroc, hors championnat mais richement doté :
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La saison 1957 se termine au Grand Prix de Caracas où Jean est brûlé aux mains alors que sa 450 S qui menait la course s'embrase littéralement lors de son ravitaillement aux stands. Guerino Bertocchi est également brûlé et les deux compères se retrouvent, brièvement, à l'hôpital.


Au total quelques belles victoires lors de cette saison 1957, notamment sur 450 S avec les 12 heures de Sebring et le Grand Prix de Suède, mais la déception de ne pas réussir à vaincre en Formule 1 face à Fangio !


Jean Behra, qui vient de signer avec BRM (qui lui fait un "pont d'or") pour la saison 1958, n'a plus aucun remord quand il apprend que Maserati se retire de la compétition "usine" à la fin de la saison 1957. Je vous l'ai dit, c'est un sentimental, Jean Behra. Il n'aime pas quitter ses amis.

Surtout que Jean aura connu de belles joies chez Maserati :
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Re: Dossier Jean Behra

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Après quatre années où il fut champion de France Moto sur Guzzi (1948-1949-1950-1951),

après trois ans chez Gordini F1 et Sport (1952-1953-1954),

après trois ans chez Maserati F1 et Sport (1955-1956-1957),

Jean Behra entame ses deux dernières saisons :

en 1958 chez BRM en F1 et Porsche en Sport

en 1959 chez Ferrari en F1 et Sport puis Porsche et Behra-Porsche en Sport. Il décèdera au volant d'une Porsche le 1er août 1959.




Revenons pour l'instant à 1958. La saison 1958 commence par le Grand Prix d'Argentine de Formule 1 mais BRM n'a pas fait le déplacement. Libéré, Jean Behra court sur une Maserati 250 F privée (#2527 de l'australien Kavanagh). Pour une fois, Jean Behra devance Juan Manuel Fangio qui court sur une autre 250 F privée :
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Mais c'est Stirling Moss qui les battra tous les deux avec sa Cooper à moteur Climax de seulement 2 litres en central arrière : changement d'époque !




Jean Behra est premier pilote chez BRM (British Racing Motors) en Formule 1 pour 1958 avec Harry Shell comme coéquipier. Georges Behra se souvient que son frère Jean avait investi beaucoup d'espoir dans cette marque mais il fut très déçu. "Il n'y avait pas de fiabilité. De plus, les freins in-board chauffaient et perdaient toute efficacité. C'est ce qui explique sa sortie de route à Goodwood alors qu'il menait la course. "
Jean sans freins parvient à éviter les tribunes mais percute un mur de briques à environ 120 km/h au moment de l'impact. Il en est miraculeusement quitte pour un coup du lapin, une grosse contusion de la cuisse gauche et quelques cotes fracturées ! La tête n'est pas passée loin du mur en briques. Jean ne portait pas son casque habituel ce jour là et sa BRM ressemblait beaucoup à une Maserati 250 F avec sa prise d'air à droite :
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Jean Behra rétabli à Monaco 1958 dans la BRM que l'on reconnait à ses amortisseurs externes :
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Son 4 cylindres est assez vaillant et Jean Behra est en tête du grand Prix de Monaco pendant 27 tours avant d'abandonner, sa monoplace ne freinant plus !


Malgré une troisième place au Grand Prix de Hollande, Jean Behra est découragé par une série d'abandons sur pannes mécaniques de sa BRM . Sa saison 1958 de Formule 1 est un fiasco.



Mais il se ratrappe avec une belle saison en Sport sur Porsche :
- troisième aux 1000 km de Buenos Aires en équipage avec Stirling Moss
- second à la Targa Florio
- premier au Grand Prix de Rouen, à Reims et au Mont Ventoux
- troisième aux 24 heures du Mans en équipe avec Hans Hermann

En Sport en 1958, Jean Behra est sacré à la fois champion de France et d'Allemagne !

Victorieux à Rouen 1958 avec une Porsche 550 A1500 :
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Victorieux à Reims avec une Porsche 718 RSK à poste de conduite central :
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Jean Behra en est désormais convaincu : le moteur d'une voiture de course doit être positionné en central arrière et il est bien décidé à en construire une, une "Behra - Porsche" motorisée par le moteur 4 cylindres à plat de la Porsche 718 RSK.

La comtesse Maria Teresa De Filippis est proche de Jean Behra, au point de passer des vacances dans sa famille à Saint-Raphaël. Elle fut en 1958 la première femme pilote de Formule 1 (sur Maserati 250 F privée), et porta le casque aux couleurs de Jean Behra pour le Grand Prix d'Italie à Monza en 1958 (elle était 6ème à deux tours de la fin quand le moteur de sa Maserati 250 F rendit l'âme) :
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Maria Teresa De Filippis fut également "l'employée" de Jean Behra en 1959 quand elle se vit confier la Behra-Porsche aux essais du Grand Prix de Monaco 1959, comme nous le verrons plus loin.
Dernière modification par maseramo le ven. 30 nov. 2018 23:25, modifié 3 fois.
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Re: Dossier Jean Behra

Message par maseramo »

Pour 1959, Jean Behra est engagé par la Scuderia Ferrari en Formule 1 et en Sport. Malgré de mauvais résultats en Formule 1 en 1958, Jean est toujours considéré comme étant l'un des deux ou trois meilleurs pilotes au monde, peut-être le plus rapide de tous car il a collectionné un nombre de tours en tête et de records du tour ahurissant, même si ça s'est malheureusement souvent terminé par un abandon sur casse mécanique. De plus en 1958 Juan Manuel Fangio a pris sa retraite, Luigi Musso et Peter Collins ont trouvé la mort en course sur Ferrari. Ainsi, en 1959, Enzo Ferrari accueille à bras ouverts Jean Behra en même temps que Tony Brooks (le dentiste le plus rapide de la planète) et Phill Hill.

Ci-dessous Enzo Ferrari et Jean Behra à l'autodromo di Modena : deux très fortes personnalités ! Notez l'ingénieur Carlo Chiti à gauche (photo issue du livre de Jean luc Fournier "Behra, le prince des damiers") :
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Jean Behra avec la Ferrari 246 (2.47 litres, 6 cylindres en V, 280 puis 290 cv pour 550 kg) de Formule 1 non encore peinte :
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Cette voiture, championne du monde de Formule 1 en 1958 avec Mike Hawthorn (qui vient de se tuer lors d'un accident de la route en janvier 1959) possède des freins à disque et des ressort hélicoidaux à l'arrière en remplacement des lames transversales.


Jean est désormais pilote Ferrari et arborre le "Cavallino Rampante" sur son célèbre casque :
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La saison 1959 débute bien pour Jean Behra en Sport avec la Ferrari TR 59 (V12 de 3 litres 300 cv) qu'il porte (avec Cliff Allison) à une belle seconde place aux 12 heures de Sebring et à une troisième place aux 1000 km du Nürburgring (avec Tony Brooks). Ci-dessous Jean Behra à Sebring :
Image


Durant les premiers mois de 1959 dans les ateliers de sa compagnie TEC-MEC à Modène, l'ingénieur Valerio Colotti (le père de la Maserati 250 F du temps où il travaillait pour la firme au Trident) a créé le châssis de la future Behra-Porsche à partir d'un châssis de Porsche 718 RSK assez fortement modifié, adapté à la position centrale du pilote et au non carrossage des roues. L'assemblage final avec un moteur Porsche 718 RSK (4 cylindres à plat, 1.5 litres, 160 cv) en position centrale arrière a lieu dans les ateliers De Tomaso à Modène. Ci-dessous Jean Behra début 1959 dans sa Behra à moteur Porsche en construction chez De Tomaso à Modène :
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Dernière modification par maseramo le dim. 20 mai 2018 20:43, modifié 1 fois.
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Re: Dossier Jean Behra

Message par maseramo »

La saison 1959 de Formule 1 débute avec les 200 Miles d'Aintree où Jean Behra s'impose avec sa Ferrari 246. Malheureusement, cet "échauffement" assez prestigieux ne compte pas pour le championnat de Formule 1.


Malgré cette victoire, il y a déjà de l'eau dans le gaz entre Jean Behra et Enzo Ferrari qui n'apprécie pas du tout que son pilote de Formule 1 développe en même temps sa propre monoplace de Formule 2 à moteur Porsche central arrière, construite qui plus est à Modène et affinée sur l'Autodromo Di Modena par Jean Behra entre deux séances sur Ferrari (la piste de Ferrari à Fiorano n'était pas encore construite à l'époque).

Georges Behra m'a appris qu'Enzo Ferrari avait catégoriquement interdit à Jean Behra de qualifier sa Behra-Porsche en Formule 2 au Grand Prix de Monaco 1959, alors que Jean vient de signer le second temps des essais sur sa Ferrari 246 de Formule 1. Jean est quand même très fier de présenter sa Behra-Porsche à Monaco, garée juste devant sa Ferrari (oulala, oulala !) :
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Finalement Jean confie sa Behra-Porsche non encore peinte en bleu à Maria Teresa De Filippis qui ne réussit pas à la qualifier. Ci-dessous Maria Teresa sur Behra-Porsche aux essais à Monaco 1959 :
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D'après Georges Behra, si Ferrari avait laissé Jean Behra piloter la Behra-Porsche, il l'aurait qualifiée.


Toujours est-il qu'en Formule 1, Jean Behra part comme une flèche lors du Grand Prix de Monaco 1959 et double dès le départ la Cooper-Climax de Stirling Moss qui avait fait la pole.
Jean creuse l'écart. Sa Ferrari a le nez extrêmement court (et pas très beau) pour pouvoir se rapprocher au maximum du concurent à doubler sans le toucher (mais Jean est en tête !), pour augmenter aussi le refroidissement du moteur :
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Jean Behra mène la course avec sa Ferrari pendant 25 tours mais, d'après Georges, il savait que son moteur ne tiendrait pas. Effectivement, au virage du Gazomètre, celui-ci explose. Dépité, Jean Behra rentre aux stands en roues libres. Georges nous apprend que, dans les stands, Jean a sauté hors de la voiture qui avançait encore et est allée "se garer contre le muret toute seule 10 mètres plus loin" ! Cette nonchalance de Jean rend fou Romolo Tavoni, le manager de Ferrari et, selon Georges, cet épisode des stands à Monaco marque le début de la fin entre ce manager et Jean. Cette mésentente aboutira à la fameuse gifle de Jean Behra à Romolo Tavoni après le Grand Prix de France à Reims où le moteur de la Ferrari du champion français avait rendu l'âme alors qu'il se battait pour la victoire. Jean Behra fut immédiatement renvoyé de chez Ferrari à cause de cette gifle, évènement à ma connaissance rarissime pour ne pas dire unique !
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Ci-dessus Jean Behra brillant sur sa Ferrari de Formule 1 à Reims en 1959. Il ne sait pas encore que c'est la dernière fois qu'il pilote pour Ferrari. (la Ferrari 246 est quand même nettement plus belle avec son nez long plutôt qu'avec le nez court de Monaco).
Dernière modification par maseramo le dim. 20 mai 2018 20:44, modifié 2 fois.
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Re: Dossier Jean Behra

Message par maseramo »

Après son licenciement par Ferrari, Jean Behra n'est curieusement pas affecté outre mesure. Il court sur Porsche 718 RSK les 2 heures de Charade où il se place à une excellente seconde place . Mais surtout Jean a l'immense plaisir de piloter sa Behra-Porsche à Pau où il termine 5ème malgré deux tête à queue sous la pluie et un arrêt supplémentaire aux stands pour changer une roue abîmée alors qu'il bataillait pour la première place :
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Le potentiel de la Behra Porsche est certain et son avenir très prometteur. Jean est manifestement très heureux à ce moment dans sa voiture qui lui fait oublier Ferrari :
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Georges Behra nous raconte : "Jean était un impulsif, un combattant, et c'est d'ailleurs sans doute pour cela qu'il est mort. Lors de cette course sans grand enjeu sur le vieux circuit de l'Avus à Berlin le 1er aout 1959, Jean était en 3ème position sur une Porsche client avec deux Porsche d'usine devant lui (pilotées par Wolfgang Von Trips et Jo Bonnier). Il aurait pu se contenter de les suivre. Non, il voulait les dépasser, ce qui était impossible à la régulière. Son idée fut sans doute de monter très haut dans le virage relevé pour profiter de la descente en fin de virage et les doubler malgré la puissance moindre de sa voiture. Malheureusement, il a dérapé sous la pluie dans la portion très haute, presque verticale, de ce virage et s'est tué. Il n'est pas mort dans la voiture, qui a frappé de l'arrière un ancien socle de DCA (canons anti aériens de la seconde guerre mondiale). Il a été éjecté et a malheureusement heurté de plein fouet un poteau. A l'époque, l'habitude était de ne pas restaurer une épave dans laquelle un pilote était mort. Mais comme il n'était pas mort dans cette voiture, la Porsche fut restaurée."
Ci-dessous probablement les dernières photos de Jean Behra juste avant son accident :
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La voiture de Jean Behra plantée en haut du virage relevé de l'Avus dont le revêtement en brique devait être très glissant sous la pluie :
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Presque 60 ans se sont écoulés depuis ce triste jour, mais l'émotion et les regrets sont toujours là. Jean Behra n'avait que 38 ans qu'il a parcourus à toute vitesse en laissant une trace indélébile dans l'histoire de la course automobile. Ses ultimes concurrents, Wolfgang Von Trips et Joakim Bonnier, perdront eux aussi la vie en course quelques années plus tard.
Dernière modification par maseramo le dim. 20 mai 2018 20:45, modifié 1 fois.
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Re: Dossier Jean Behra

Message par maseramo »

Après la mort de Jean Behra, la Behra-Porsche est engagée dans quelques courses en 1960 (Grand Prix d'Argentine, Aintree, Monza) aux mains de Masten Gregory, d'Hans Hermann ou de Fred Gamble avec quelques places d'honneur. Ci-dessous Masten Gregory avec la "belle bleue" en Argentine :
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Cette voiture unique se trouve actuellement dans la collection "Collier" à Naples en Floride.
Dernière modification par maseramo le dim. 20 mai 2018 20:46, modifié 1 fois.
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Re: Dossier Jean Behra

Message par maseramo »

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Voici, chers amis Maseratistes, quelle fut la carrière de Jean Behra, un pilote généreux et très rapide, peut-être même trop rapide par rapport aux capacités de résistance des mécaniques de son époque, en Formule 1 notamment. Les Gordini, BRM et même Ferrari l'ont souvent lâché alors qu'il alignait les records du tour et caracolait en tête ou qu'il effectuait une remontée spectaculaire après une sortie de route.

Si on regarde bien son palmares, les Maserati 250 F furent semble-t-il les plus résistantes et c'est bien à leur volant que Jean Behra connut le plus de succès en Formule 1.

Finalement, c'est curieusement en endurance, en catégorie Sport, que ce sprinter surdoué du record du tour signa ses plus belles performances, sur Maserati (victoires aux 1000 km du Nürburgring 1955 sur 300 S, à Sebring 1957 et en Suède 1957 sur 450 S), sur Porsche (2ème à la Targa Florio 1958, 3ème au Mans 1958) et sur Ferrari (2ème aux 12 h de Sebring 1959, 3ème aux 1000 km du Nürburgring 1959).

Toujours est-il que le style spectaculaire et véloce de Jean Behra ravissait le public, le tenait en haleine et lui assurait une très grande popularité.


Grand merci monsieur Behra pour avoir fait vibré nos grands parents, nos parents et nous aussi à l'évocation rétrospective de vos courses qui réclamaient un courage vraiment exceptionnel.


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Jean Behra sur Maserati 250 F à Pescara en 1957.


Je laisserais les mots de la fin à Stirling Moss qui affirme, au sujet de Jean Behra : "Jean était certainement le plus rapide de nous tous. Il aurait mérité une carrière plus belle, bien que la sienne soit déjà très enviable".
Dernière modification par maseramo le dim. 20 mai 2018 20:46, modifié 1 fois.
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Re: Dossier Jean Behra

Message par Froggie »

Encore mille mercis Alido, ça se lit comme un conte, on ne s'en lasse pas.
Et on a l'impression de revivre cette époque formidable, celle de pilotes qui étaient de vrais aventuriers
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