Maseratitude

Notre ami Princedead a visité cet été le musée Automobile de Talmont St Hilaire et il y a découvert une énigmatique vieille Maserati de course qu’il a photographiée :
(photos Princedead)

La carrosserie effectivement est celle d’une Maserati. Probablement une carrosserie de 4CL (ou peut-être de 8CL comme l’évoque Princedead) avec la calandre assez haute, les carénages latéraux (enveloppant les barres et bielettes de direction) se raccordant de façon non fluide avec le fuselage, les trois fines prises d’air devant le cockpit. Ci-dessous cette mystérieuse Maserati :
Ci-dessous une 4CL : Le capot de la 4CL semble plus court que sur les photos de Princedead qui évoquent plutôt un capot de 8CL. Ci-dessous une 8CL aux couleurs argentines :

Par contre cette mystérieuse voiture de Talmont St Hilaire n’a pas un moteur Maserati car tous les moteurs Maserati en ligne ont l’échappement à gauche sauf les birdcage et certains moteurs 4 cylindres 1.5 litres de Formule 1 du début des années 60.

Autre élément curieux, les suspensions avant avec amortisseur (ou bras) oblique ne sont absolument pas celles de la 4CL ou de la 8CL. Ici celle de Talmont Saint Hilaire : Ici la vraie 4CL : Ici la vraie 8CL :

Étrange tout cela ! Nous avons cherché et découvert que n’étions bien sûr pas les premiers à nous poser des questions sur cette voiture mystérieuse. En 2007, des intrigués comme nous avaient même écrit au directeur du musée qui leur avait répondu que Don Alexander était le président de l’écurie de course San Isidoro en Argentine et que cette voiture avait pris part au Raffaella Grand Prix. Par une autre source, nous avons découvert que cette voiture fut en fait le mulet de Juan Manuel Fangio au Grand Prix de Raffaella en Argentine en 1948. Le directeur du musée précise qu’à cette époque, la voiture était équipée d’un moteur de Maserati 4CLT (ou plutôt 4CL ?) car le passage de l’échappement à gauche se repère encore bien qu’il ait été bouché par un panneau d’aluminium. Le directeur nous apprend aussi que le moteur actuel est un 6 cylindres en ligne Ford avec une plaque dessus indiquant qu’il a été préparé par les frères Oscar et Alfredo Galvez qui faisaient partie de l’entourage de Juan Manuel Fangio. Et enfin, on apprend par le directeur du musée mais aussi par l’un des questionneurs de 2007 que le châssis est un châssis Volpi.

Donc d’après tous ces renseignements que nous avons pu glaner, on peut affirmer que châssis, carrosserie et moteur ont des origines totalement différentes sur cette auto.

- Le châssis

Le câssisest celui d’une Volpi. Il peut s’agir de celui d’une Volpi Chevrolet avec laquelle Fangio a couru en Argentine l’année précédente en 1947 : On remarque que les éléments de suspension avant avec l’amortisseur ou le bras oblique correspondraient un peu mais d'assez loin entre la Volpi et la Maserati Alexander.

Volpi : Maserati Alexander :

Par ailleurs, l’empattement du châssis Volpi semble être de 268 cm, celui de la 4CL est de 250 cm (comme pour la 4CLT), celui de la 8CL est de 279 cm, celui de la 8CLT est de 272cm et se rapprocherait le plus du châssis Volpi.

Carroserie
Un doute reste sur la carrosserie. Ce peut-être celle d’une 4CL (ou peut-être même 8CL) mais pas celle d’une 4CLT qui a le nez beaucoup plus bas et les flancs plus en continuité avec le fuselage. Ci-dessous Alberto Ascari, en 4CLT et tout en souriant au photographe, double par l’intérieur du virage le Prince Bira en 4CL au Grand Prix de San Remo 1948 qu’Ascari va remporter :
Le Moteur
Le moteur est actuellement un six en ligne Ford à échappement à droite

Probablement après la fin de vie du moteur Maserati, châssis et carrosserie étaient encore en bon état et la voiture a courru pendant des années en Amérique du Sud avec le 6 en ligne Ford. Le châssis Volpi était-il déjà là ? La voiture a-t-elle été accidentée, le châssis plié et a-t-on mit le tout sur un nouveau châssis, le Volpi ?


Des trois éléments (Volpi , Maserati, Ford) c’est Maserati le plus prestigieux et aussi le plus voyant au premier coup d’oeil. Cette voiture est donc présentée comme étant la Maserati Alexander ! Reste à découvrir quand le châssis Volpi s’est retrouvé sur cette auto et qu’elle a été la Maserati donneuse de sa carrosserie ! Mais ça, pas facile. Il n’y a eu que deux 8CL. Il est vrai que l’une d’entre elles (#3034) a été livrée à Raoul Riganti à Buenos Aires mais il semble que ces deux 8CL existent toujours. Il n’y a eu que trois 8CLT et quinze 4CL.

Une hypothèse-intuition aussi : quelqu’un a moulé la carrosserie de la 8CL de Raoul Riganti pour la placer sur un châssis de Volpi et avec un moteur type 4CLT au début. Le plaisir de concourir en prestigieuse Maserati de compétition ! Je ne crois pas trop à un châssis Volpi secondaire.

On vous tient au courant si on trouve quelque chose d’autre.

Le nouveau feuilleton de l'été....
On attend la suite avec impatience...
Retracer ce type d'histoire, plus de 70 ans après, ça va être "sport", mais cela fait partie du plaisir d'aimer ces autos.

Wahou, quelle trouvaille, et quelles recherches

Merci Alido pour ce travail de recherche autour de cette mystèrieuse Maserati.

Je dois avouer que lorsque mes filles m'ont proposé de passer une journée à Talmont st Hilaire, entre chevalerie, gastronomie et automobile j'ai tout de suite dit oui et pour cause : la photo de présentation du musée auto affiche une magnifique Maserati sur la plage...
Et déjà je penchais pour une 4CL ou une 8CL, mais sans rien trouver à son sujet, ni dans le descriptif du musée, ni sur internet. Et déjà ces échappements étranges...



En la voyant de plus près et en lisant sa fiche, je me suis retrouvé bousculé dans mes connaissances : échappement à gauche, 6 cyl mais une carrosserie de 8CL. La personne présente à l'accueil n'a pas su m'en dire plus que la fiche descriptive.



Je me suis dit "un peu de patience : avec les infos de son propriètaire, de l'écurie qu'il dirigeait et le GP d'Argentine 1948, je devrais trouver facilement". Que nenni, il m'aura fallu consulter notre encyclopèdie maison, alias Alido, pour en savoir davantage.

Voilà toutes les photos que j'ai prises de cette énigmatique Maserati Alexander :



















Je fais un post sur ce musée, bien entretenu , avec des modèles intéressants. Comparable au musée de Reims pour la taille et le nombre de voitures, mais mieux entretenu. Pas de miniatures cependant ( quelques unes à la vente et une vitrine dans l'expo). Moins prestigieux que le museé Malartre ( quoique l'entrepot n°2 à Malartre est beaucoup plus vétuste!). Bref une belle visite en famille et une intrigue en sus!

En fouillant on découvre que l’écurie San Isidoro a engagé une Maserati 8CL pilotée par Pascual Puopolo au Grand Prix de Mar del Plata en janvier 1948. Interessant : San Isidoro possédait une 8CL !

Or il n’y a eu que deux 8CL, toutes les deux fabriquées en 1940 et une d’elles livrée en Argentine. C’était probablement celle là. Donc une écurie qui a une vraie 8CL en a une fausse sur un châssis différent ! Strange !

Confirmation, au Grand Prix de Buenos Aires 1948, l’écurie San Isidoro de Don Alexander a engagé une 8CL qui finit d’ailleurs 3 ieme et il semble que celle du musée de Vendée ait été prêtée à l’automobile club argentin pour être le mulet de Fangio en cas de problème sur sa 4CL.

J'en suis là aussi. Je vais consulter JFB1 ainsi que Bernard Guenant (le vendéen) pour en savoir davantage