Maseratitude

Les A6 G, encore appelées A6 2000 GT, furent produites entre 1950 et 1951 à 16 exemplaires répartis de la façon suivante :

9 coupés Pininfarina (2013, 2020 à 2027) :




5 spyder Frua (2015, 2017, 2018, 2029, 2030) :




1 coupé Frua (2028) :

Remarquez le coupé Pininfarina à gauche



1 coupé Vignale (2031) :

Les A6 G (A en hommage à Alfieri Maserati, 6 cylindres en lignes, G pour "Ghisa" = la fonte, le matériau du bloc cylindres) furent présentées en 1950 pour succéder à la A6 1500 GT (la première Maserati de route) qui connut un beau succès de 1947 à 1950 avec pas moins de 61 exemplaires de ce très cher coupé produits.

La A6 1500 GT fut la "fondatrice" de la grande famille des Maserati A6 :

Elle a déjà fait l'objet d'un article sur Maseratitude :
http://www.maseratitude.com/viewtopic.php?f=12&t=2372


Il est impossible (et il serait dommage) d'étudier les A6 G sans les situer très précisément dans leur contexte historique, celui de la "famille A6", qui est présentée dans le schéma ci-dessous :

Les 250 F et les barquettes S sont chacune des familles à part entière qui ne portent pas l'appellation A6 mais elles sont représentées ici pour l'intérêt généalogique car elles dérivent directement des A6. Pour être très honnête, la A6GCM reçut également des éléments de la 4CLT/48 en plus de ceux de la "Monofaro".
Les voitures de tourismes sont en bleu à gauche, celles de course en rouge. On remarque que les voitures de tourismes se succèdent mais ne dérivent pas les unes des autres. Sauf la A6 1500 GT, elles sont issues de voitures de course (alors activité prépondérante de Maserati). Il saute aux yeux que la "Monofaro" a un rôle central de plaque tournante. Sauf la A6 1500 GT, tout passe ou est passé par elle !

La A6 G.CS (pour "Corsa" catégorie "Sport") dite "Monofaro", voiture de course de 2 litres, fut dérivée dès 1947 de la A6 1500 GT de route.
La A6 G.CS "Monofaro" fut la première A6 de course :

Ci-dessus Alberto Ascari au volant de la "Monofaro" en 1947 sur le circuit "del Valentino" à Turin
La "Monofaro" a eu, elle aussi, son article :
http://www.maseratitude.com/viewtopic.php?f=12&t=2255

La A6 1500 GT "stradale" engendra la "Monofaro" de course :



Dans l'autre sens cette fois-ci, les A6 G qui nous intéressent aujourd'hui furent créées en 1950 à partir de la "Monofaro".

Sur toutes ces voitures, de route ou de course, le châssis était tubulaire et produit par la société GILCO qui fournissait la plupart des voitures italiennes de course ou sportives de l'époque :


GILCO pour Gilberto Colombo qui n'avait aucun lien de parenté avec l'ingénieur Gioacchino Colombo, le "père" du V12 Ferrari, de la culasse à 2 arbres à cames en tête de la Maserati A6GCS/53 et des débuts de la Maserati 250 F.


Pour bien comprendre les A6 G, il faut absolument revenir sur la "Monofaro" dont elles sont issues. Voici le moteur 6 en ligne avec un seul arbre à cames en tête de la "Monofaro" :


Le 2 litres 130 cv de course de la "Monofaro" avait un rapport de compression énorme pour l'époque (11 : 1) complètement incompatible avec l'essence du commerce de ces années, pauvre en octane et favorisant le redoutable cliquetis (auto-allumage à contre temps de la bougie). D'ailleurs, la "Monofaro" fonctionnait avec un mélange essence-alcool méthylique et, pour que les A6 G puissent s'approvisionner facilement en essence du commerce, il fallut diminuer le rapport de compression à 7.8 : 1. On réduisit la course de 1 mm, de 81 à 80 mm, l'alésage restant constant à 72 mm. La cylindrée diminua de 25 cc et la puissance obtenue chuta de 130 à 100 avec, au choix du client, 3 carburateurs Weber 36 DO4 ou un gros Weber 40 DCR, qui fournissaient dans les deux configurations la même puissance de 100cv.
On avait donc un moteur de course dégonflé sur les A6 G, gage d'une grande fiabilité mécanique.

Le moteur d'une A6 G coupé Pininfarina, ici dans la configuration 3 carburateurs de 36 :




En résumé, cela donne :
A6 G.CS "Monofaro" : 6 cyl en ligne, 72 X 81, 1978 cc, compression 11 : 1, 130 à 140 cv suivant versions
A6 G : 6 cyl en ligne, 72 X 80, 1954 cc, compression 7.8 : 1, 100 cv

Dans les deux cas, on restait à un seul arbre à cames en tête, course assez longue et bloc en fonte ("Ghisa").

Avec seulement 16 exemplaires produits, la A6 G ( ou A6 2000 GT) ne connut pas le succès commercial de sa devancière A6 1500 GT. La puissance (100 cv) des A6 G sembla un peu juste pour des voitures extrêmement chères en ces années d'après guerre et d'avant le "miracle économique italien" (qui survint grosso modo dans la période 1957-1967).

Voici l'un des 9 coupés A6 G 2000 GT Pininfarina, un peu moins fin que sa devancière A6 1500 GT qui était également due au beau coup de crayon de Giovanni Battista Farina, dit "Pinin" :



on sent bien que l'on a essayé de plaire à une clientèle américaine, ou américanophile, avec des formes plus massives que celles de la A6 1500 GT mais restant extrêmement élégantes.




Le F des "stabilimenti Farina" :

Voici un autre beau coupé A6 G 2000 GT Pininfarina à Pebble Beach :



... en très bonne compagnie (5000 GT Touring "Shah d'Iran" verte, Spyder A6G Frua bleue, barquettes S) :


... de l'autre côté c'est pas mal non plus avec le rarissime (3 exemplaires) coupé nez long Frua A6 G/54 rouge et noir (le même en bleu nuit et blanc a été découvert dans la "grange" Baillon et vendu par Artcurial 1.72 millions d'euros en 2015) et une magnifique A6G/54 Zagato noire :


Elle a les 3 carbu Weber 36 :

... ça s'est encore étoffé avec ce coupé gris (modèle unique) A6G/54 Zagato, bien connu du milieu des amateurs avec ses deux bosses "Zagato" sur le toit et ses "casquettes" sur les phares :

Voici, à Villa d'Este, un merveilleux Spyder A6 G Frua avec sa calandre reprise à la "Monofaro" et incluant le fameux phare central :


J'adore les plaques "Roma", les seules en Italie à porter en toutes lettres le nom du "capoluogo di provincia" du fait de sa brièveté et de son importance.

Spyder A6 G de 1950 : c'était la première fois que Pietro Frua dessinait une Maserati, ce ne sera pas la dernière ...



Avec une A6G/54 Zagato dans les allées de Villa d'Este :


Adolfo Orsi Junior (le personnage barbu) est passager :


Hop, on offre à cette beauté des voyages transatlantiques et transaméricains ! La revoilà à Pebble Beach, l'autre incontournable concours d'élégance avec Villa d'Este (Adolfo Orsi Junior fait partie du jury des deux ! Heureux homme !!):

Belle décapotée ou capotée ! Notez la 250 F (n°4) :

Calandre mythique :

Profil aérodynamique, pare-brise en deux pans :


Le cuir Cartier épouse à merveille la carrosserie bleue nuit :









Je ne m'en lasse pas, excusez-moi si j'abuse de votre patience ...




Ce Spyder de rêve n'a qu'un carbu mais c'est un gros Weber 40 DCR :

Les 5 Spyder A6 G Frua n'ont pas tous eu le phare de calandre, comme celle-ci photographiée à l'époque devant la cathédrale de Modène :


C'est peut-être la même de nos jours à Villa d'Este :




Notez à gauche le Spyder bleu-vert Zagato A6G/54, encore un modèle unique !

Vous vous imaginez, en 1950, au volant de cette œuvre raffinée ?

L'unique coupé A6 G Frua avait participé au concours d'élégance de Rome en 1952 :




Mais il semble avoir souffert par la suite et ne pas avoir toujours bénéficié des égards que son caractère unique, son pédigrée et sa grande distinction auraient pourtant du lui assurer :



notez la 5000 GT Allemano rouge derrière

Le coupé A6 G Frua était récemment en totale restauration à la prestigieuse Carrosserie Touring de Milan :











Mais je ne suis pas parvenu à retrouver des photos du résultat final de la restauration. Si quelqu'un en a, c'est très volontiers !

Le coupé A6 G Vignale, également un prototype unique, avait enflammé le salon de Paris 1951 où il fut vendu à Marcel Schwob d'Héricourt qui l'utilisa pour ses déplacements parisiens avant de l'engager au tour de France 1952 :


Mais le coupé A6 G Vignale aussi n'a pas été épargné par les affres du temps :


Il a heureusement été entièrement reconditionné dans les règles de l'art et dans ses coloris d'origine, ici auprès d'une A6 1500 GT :


L'ingénieur Giulio Alfieri décréta, devant la qualité de la restauration, que cette A6 G Vignale était entièrement conforme et presque en meilleur état que quand elle quitta l'usine pour rejoindre le salon de Paris 1951.




La belle écuma les concours d'élégance de la planète (Tokyo, Dubaï, jusqu'à Pebble Beach qu'elle remporta dans sa catégorie en 1998) :

J'aime beaucoup la finesse de l'arrière, le rehaussement discret de la ligne de caisse sur l'aile arrière :









Guglielmo Dei était le concessionnaire Maserati pour Rome et le Sud et le patron de la "Scuderia Centro Sud" qui faisait courir des voitures de course (Maserati mais aussi Ferrari et cooper), la mutualisation des voitures permettant de révéler des talents non forcément fortunés. On voit ici Guglielmo Dei en pardessus auprès du jeune espoir Lorenzo Bandini :

Géniales l'absence de montant et l'élégance élancée de cette auto de 65 ans !

Grazie Maseramo pour ces superbes photos. Il n'y a pas à dire les lignes de ces autos sont une invitation au voyage
J'espère qu'un jour je pourrais accéder à une Maserati ancienne.
Encore merci
Fred

Oh ! Comme mieux débuter le week-end qu'en cultivant les plus belles pages de l'histoire de Maserati ? Mille merci Maseramo ! Difficile de faire un choix, mais probablement qu'un Spyder Frua l'emporterait

Merci les amis pour votre attachement aux Maserati "Vintage". C'est vrai qu'elles sont absolument charmantes
Tes talents de restaurateur feraient merveille sur une Maserati ancienne, Maseralfa
Comme toi Blu Sera, j'aime bien le Spyder Frua. Mais les photos suivantes du coupé Vignale peuvent aussi convaincre. C'est un exemplaire plus statutaire et moins sportif mais qui a beaucoup de prestance.

Si vous le voulez bien, pour compléter le Week-end, j'ai encore quelques photos du coupé A6 G Vignale et quelques précisions sur le "après A6 G" dans la famille A6.

Au concours d'élégance de Tokyo, la grande classe du profil Vignale :


Il y a vraiment une noblesse dans ces lignes, une sorte de Rolls italienne !

"Vittoria a Pebble Beach" en 1998 !





3 carbu 36 pour nourrir "sa majesté" !

Voyons maintenant un peu, si vous le voulez bien, ce qui s'est passé juste après les A6 G !
Aurelio Lampredi à gauche, Gioacchino Colombo à droite. Ces deux là ont motorisé Ferrari, excusez du peu !


Gioacchino Colombo travailla un an pour Maserati (en 1953), créant une culasse double arbre - double allumage pour le deux litres 6 cylindres en ligne issu de la "Monofaro" et abandonnant la fonte du bloc cylindres au profit d'un alliage d'aluminium.



Ce nouveau moteur 2 litres très poussé (170 cv) fut placé dans une barquette de course sublime, la A6 GCS/53, ou dans un coupé compétition absolument vénéré et rarissime (4 exemplaires) : la A6 GCS/53 Berlinetta Pininfarina.



La barquette A6 GCS/53 (le G est resté dans le nom bien qu'il n'y ait plus de fonte dans le bloc !) :

Elle a déjà son article :
http://www.maseratitude.com/viewtopic.php?f=12&t=2259


L'A6GCS/53 Berlinetta Pininfarina :



Guglielmo Dei était encore dans le coup pour cette fabuleuse Berlinette !

pour plus de détails :
http://www.maseratitude.com/viewtopic.php?f=12&t=1136
http://www.maseratitude.com/viewtopic.php?f=12&t=3660

Les passerelles course-tourisme étant largement ouvertes chez Maserati dans ces années 50, ces voitures de course totalement abouties qu'étaient les A6 GCS/53 connurent à partir de 1954 des versions "stradale" en les A6 G/54 (avec le double arbre 2 litres de Colombo "dégonflé" à 150 cv) qui prirent, avec cette fois-ci un beau succès commercial, la succession des A6 G.

Avec les A6 GCS/53 et leurs versions "stradale" A6G/54, on est vraiment dans l'un des plus précieux "sanctuaires" du mythe Maserati.

La A6 G/54 Zagato, l'une des plus belles A6 G/54 :


Les A6 G/54 ont déjà leur article :
http://www.maseratitude.com/viewtopic.php?f=12&t=3064