La Merak Turbo
- maseramo
- W18
- Messages : 12452
- Inscription : dim. 8 janv. 2012 11:00
- Localisation : 83
- Localisation : Saint-Raphaël (Var)
La Merak Turbo
19 Octobre 2020, ci-dessous votre serviteur et Giovanni Panini qui m'a fort gentiment ouvert le capot de cette Merak Turbo unique de 1977, première Maserati Turbo de l'histoire, afin de visualiser et photographier l'implantation de l'unique Turbo KKK, images que l'on ne trouvait pas jusqu'à présent sur les différentes banques de données sur Maserati et dont vous avez la primeur en exclusivité sur Maseratitude.
Parmi les merveilles du musée Panini, entre une Bora et une Quattroporte III Royale, la Merak Turbo est basée sur une Merak américaine reconnaissable à ses gros pare-chocs.
Mais avant d'entrer dans le vif du sujet, rappelons-nous le contexte, indispensable pour comprendre et situer cette voiture et les hommes qui l'ont fabriquée.
Après la période des "fratelli Maserati" (1914-1947), celle de la famille Orsi (1947-1968) et celle de Citroën (1968-1975), s’ouvre l'été 1975 une nouvelle ère pour Maserati, celle d’Alejandro De Tomaso, qui reprend avec l'aide de l'Etat italien les "Officine" mises en liquidation judiciaire par PSA (Peugeot-Citroën). De Tomaso en gardera le contrôle pendant 18 ans, jusqu’en 1993 quand s’opèrera le rachat intégral par Fiat. Dès 1976, il lance la Kyalami, adaptée de la De Tomaso Longchamps et, en 1978, la Quattroporte III, toutes deux mues par le V8 "maison" en 4.2 ou 4.9 litres.
Mais De Tomaso a une autre idée pour faire passer la vitesse supérieure à sa firme chérie et semble-t-il préférée, même par rapport à celle portant son propre nom. Depuis 1975, les voitures de plus de 2 litres sont lourdement taxées en Italie (19 % de TVA jusqu’à 2 litres, mais 38 % au-delà !). Si De Tomaso veut produire une Maserati à grande échelle, il faut que celle-ci reste sous la barre des 2 litres mais, réputation sportive du trident obligeant, qu’elle délivre au moins 170 à 180 cv. Une nouvelle technologie, celle du turbocompresseur, lui permettra en 1981 de résoudre cette équation, l'Etat italien n'étant heureusement pas entré dans la subtilité de la suralimentation dans son texte de loi. Ce sera la formidable saga des Maserati Biturbo qui s’étendra sur 21 ans de 1981 à 2002, puis renaitra pour des raisons cette fois-ci en partie écologiques de 2013 à nos jours.
La Merak Turbo, exemplaire unique et expérimental, première Maserati Turbo de l'histoire de la marque, constitue, bien qu'équipée d'un seul gros Turbo KKK, la toute première étape vers cette épopée Maserati Biturbo.
Parmi les merveilles du musée Panini, entre une Bora et une Quattroporte III Royale, la Merak Turbo est basée sur une Merak américaine reconnaissable à ses gros pare-chocs.
Mais avant d'entrer dans le vif du sujet, rappelons-nous le contexte, indispensable pour comprendre et situer cette voiture et les hommes qui l'ont fabriquée.
Après la période des "fratelli Maserati" (1914-1947), celle de la famille Orsi (1947-1968) et celle de Citroën (1968-1975), s’ouvre l'été 1975 une nouvelle ère pour Maserati, celle d’Alejandro De Tomaso, qui reprend avec l'aide de l'Etat italien les "Officine" mises en liquidation judiciaire par PSA (Peugeot-Citroën). De Tomaso en gardera le contrôle pendant 18 ans, jusqu’en 1993 quand s’opèrera le rachat intégral par Fiat. Dès 1976, il lance la Kyalami, adaptée de la De Tomaso Longchamps et, en 1978, la Quattroporte III, toutes deux mues par le V8 "maison" en 4.2 ou 4.9 litres.
Mais De Tomaso a une autre idée pour faire passer la vitesse supérieure à sa firme chérie et semble-t-il préférée, même par rapport à celle portant son propre nom. Depuis 1975, les voitures de plus de 2 litres sont lourdement taxées en Italie (19 % de TVA jusqu’à 2 litres, mais 38 % au-delà !). Si De Tomaso veut produire une Maserati à grande échelle, il faut que celle-ci reste sous la barre des 2 litres mais, réputation sportive du trident obligeant, qu’elle délivre au moins 170 à 180 cv. Une nouvelle technologie, celle du turbocompresseur, lui permettra en 1981 de résoudre cette équation, l'Etat italien n'étant heureusement pas entré dans la subtilité de la suralimentation dans son texte de loi. Ce sera la formidable saga des Maserati Biturbo qui s’étendra sur 21 ans de 1981 à 2002, puis renaitra pour des raisons cette fois-ci en partie écologiques de 2013 à nos jours.
La Merak Turbo, exemplaire unique et expérimental, première Maserati Turbo de l'histoire de la marque, constitue, bien qu'équipée d'un seul gros Turbo KKK, la toute première étape vers cette épopée Maserati Biturbo.
"quando turbo spira ...", Dante Alighieri dans "La Divina Commedia"
- maseramo
- W18
- Messages : 12452
- Inscription : dim. 8 janv. 2012 11:00
- Localisation : 83
- Localisation : Saint-Raphaël (Var)
Re: La Merak Turbo
Chez Maserati en 1977, aucun motoriste, ni Aurelio Bertocchi, ni Ermanno Cozza, ni Ermanno Corghi n’a l’expérience de la turbocompression. De Tomaso recrute l'ingénieur Giordano Casarini qui, après un passage chez Ferrari, travaille à Los Angeles au milieu des années 70 pour la société Spearco et possède cette rare expérience. Ermanno Corghi m'a précisé que "chez Spearco, dans les années 70, on turbocomprimait tous les moteurs qui passaient" !
A Modène, Casarini et Corghi commencent par installer en 1977 un turbo sur une Merak 3 litres jaune, modèle USA, qui avait été prélevée sur la chaîne pour des tests et comme banque de pièces en urgence. Elle était ensuite restée dans un coin de l'usine. C'est la Tipo 122 US #2350. Casarini et Corghi pensent d'abord placer le turbo au dessus de la boite de vitesse, mais cela nécessite de créer des lignes d'échappement totalement nouvelles. Finalement, ils optent pour situer le fameux objet tout à fait à l'arrière de l'auto et en bas, derrière la boite de vitesse qui est elle-même en porte à faux arrière. Cette solution permet de conserver les lignes d'échappement de la Merak dans leur sinueux cheminement entre le demi arbre et le triangle inférieur. Seule la terminaison est différente.
Sur la photo ci-dessus, vue par dessous et par l'arrière, les lignes d'échappement calorifugées droite et gauche (flèches rouges) convergent vers la turbine d'échappement (E) en fonte entrainant par l'axe du turbo (A, on voit la durite d'huile lubrifiant l'axe) la turbine de compression (C) en aluminium. Le gros turbo KKK, sans refroidissement de l'axe par eau, est donc transversal à l'extrême arrière et très légèrement décalé sur la droite de l'auto.
A Modène, Casarini et Corghi commencent par installer en 1977 un turbo sur une Merak 3 litres jaune, modèle USA, qui avait été prélevée sur la chaîne pour des tests et comme banque de pièces en urgence. Elle était ensuite restée dans un coin de l'usine. C'est la Tipo 122 US #2350. Casarini et Corghi pensent d'abord placer le turbo au dessus de la boite de vitesse, mais cela nécessite de créer des lignes d'échappement totalement nouvelles. Finalement, ils optent pour situer le fameux objet tout à fait à l'arrière de l'auto et en bas, derrière la boite de vitesse qui est elle-même en porte à faux arrière. Cette solution permet de conserver les lignes d'échappement de la Merak dans leur sinueux cheminement entre le demi arbre et le triangle inférieur. Seule la terminaison est différente.
Sur la photo ci-dessus, vue par dessous et par l'arrière, les lignes d'échappement calorifugées droite et gauche (flèches rouges) convergent vers la turbine d'échappement (E) en fonte entrainant par l'axe du turbo (A, on voit la durite d'huile lubrifiant l'axe) la turbine de compression (C) en aluminium. Le gros turbo KKK, sans refroidissement de l'axe par eau, est donc transversal à l'extrême arrière et très légèrement décalé sur la droite de l'auto.
"quando turbo spira ...", Dante Alighieri dans "La Divina Commedia"
- maseramo
- W18
- Messages : 12452
- Inscription : dim. 8 janv. 2012 11:00
- Localisation : 83
- Localisation : Saint-Raphaël (Var)
Re: La Merak Turbo
Ci-dessus une vue par la droite de la Merak Turbo avec l'arrivée d'air dans le centre de la turbine de compression et l'éjection de l'air comprimé vers le haut. On voit l'échappement calorifugé droit (flèche rouge) et la durite d'huile pour l'axe (H). Le tube calorifugé central semble être un tube d'échappement de décharge.
Ci-dessous le logo avec les trois K en triangle et le numéro de série du turbocompresseur.
Ci-dessus on note le trajet complexe de l'échappement comme sur toute Merak, entre le demi arbre et le creux dans le triangle inférieur ! Par contre, sur la Merak normale, les disques de frein arrière sont "in bord", contre le différentiel, comme sur la SM. Mais le Turbo KKK agissait comme un puissant radiateur captant la chaleur de l'échappement et la diffusant dans tout le compartiment moteur. Très vite, il n'y avait plus de frein arrière et Corghi dut déplacer les disques arrière dans les roues comme sur la Bora.
"quando turbo spira ...", Dante Alighieri dans "La Divina Commedia"
- maseramo
- W18
- Messages : 12452
- Inscription : dim. 8 janv. 2012 11:00
- Localisation : 83
- Localisation : Saint-Raphaël (Var)
Re: La Merak Turbo
La seule Merak au monde à porter ce logo !
Des prises d'air ont été placées sur les deux ailes arrière et assez bien intégrées esthétiquement. Elles ne sont pas branchées sur quelque chose de particulier dans le compartiment moteur. Elles sont juste là pour le ventiler au mieux.
Notez le gros pare-choc américain et l'échappement unique à gauche
"quando turbo spira ...", Dante Alighieri dans "La Divina Commedia"
- maseramo
- W18
- Messages : 12452
- Inscription : dim. 8 janv. 2012 11:00
- Localisation : 83
- Localisation : Saint-Raphaël (Var)
Re: La Merak Turbo
L'air comprimé par le turbo n'est pas refroidi par un échangeur et monte directement vers le plenum boulonné sur le haut des carburateurs qui ont bénéficié de réglages différents, notamment au niveau du jet d'essence en position n°2. Ci-dessous en F le filtre à air avant la durite qui va descendre au turbo.
Ermanno Corghi nous précise que, grâce à des pistons légèrement moins haut que ceux d'origine, le taux de compression de 9 : 1 sur la Merak US America de 1977 a été descendu à 8.5, ce qui reste une valeur très élevée pour un moteur turbocomprimé, surtout sans échangeur refroidissant l'air admis (il sera de 7.8 : 1 sur les premières Biturbo sans échangeur, de 8.2 : 1 sur les Biturbo S "carbu" avec échangeur). Cependant, bien que la Merak Turbo ait été menée à la cravache par Ermanno Corghi lors de ses essais routiers (comme nous le verrons plus loin), elle ne semble pas avoir souffert outre mesure de cliquetis.
"quando turbo spira ...", Dante Alighieri dans "La Divina Commedia"
- maseramo
- W18
- Messages : 12452
- Inscription : dim. 8 janv. 2012 11:00
- Localisation : 83
- Localisation : Saint-Raphaël (Var)
Re: La Merak Turbo
Vue par la gauche, la ligne d'échappement gauche, la turbine d'échappement (motrice), la durite d'huile pour la lubrification de l'axe et le silencieux :
Une seule sortie d'échappement sur la gauche sous le gros pare-chocs américain :
Une seule sortie d'échappement sur la gauche sous le gros pare-chocs américain :
"quando turbo spira ...", Dante Alighieri dans "La Divina Commedia"
- maseramo
- W18
- Messages : 12452
- Inscription : dim. 8 janv. 2012 11:00
- Localisation : 83
- Localisation : Saint-Raphaël (Var)
Re: La Merak Turbo
La Merak Turbo dispose, comme toutes les Merak SS americaines, du magnifique tableau de bord de la Bora. Mais à noter, entre le compte tour et le tachymètre, le "turbo boost" donnant la pression de l'air admis (Le KKK de 1977 de la Merak Turbo, le même que celui des Porsche 911 Turbo, délivrait 0.8 bars de suralimentation, les deux IHI sur Biturbo en 1981 donnaient 0.5 bars).
Le volant est celui à gros moyeux, le seul homologué aux USA. Le levier de vitesse est celui, très élégant, de la Citroën SM. Le moteur 3 litres de la Merak Turbo n'a pas été sorti de l'auto pour le passer au banc et les dynamomètres de l'époque à la roue n'étaient pas extrêmement fiables, mais Ermanno Corghi estime la puissance de la Merak Turbo de 3 litres aux alentours des 300 cv (contre 208 à 220 cv pour le même moteur sans turbo).
Le volant est celui à gros moyeux, le seul homologué aux USA. Le levier de vitesse est celui, très élégant, de la Citroën SM. Le moteur 3 litres de la Merak Turbo n'a pas été sorti de l'auto pour le passer au banc et les dynamomètres de l'époque à la roue n'étaient pas extrêmement fiables, mais Ermanno Corghi estime la puissance de la Merak Turbo de 3 litres aux alentours des 300 cv (contre 208 à 220 cv pour le même moteur sans turbo).
"quando turbo spira ...", Dante Alighieri dans "La Divina Commedia"
- maseramo
- W18
- Messages : 12452
- Inscription : dim. 8 janv. 2012 11:00
- Localisation : 83
- Localisation : Saint-Raphaël (Var)
Re: La Merak Turbo
Voici un extrait d'une interview d'Ermanno Corghi que j'avais réalisée en 2018, avec des compléments téléphoniques d'octobre 2020 :
Vous aviez participé à l'élaboration et longuement testé la Merak Turbo à l'époque, quelles étaient vos impressions ?
EC : La puissance de la Merak Turbo était énorme mais on avait le temps de téléphoner et d'attendre la ligne avant qu'elle arrive (geste de la main avec l'écouteur). Par contre, quelle poussée ! Lors de mes premiers essais, je cassais les demi-arbres de transmission et même, je pliais presque à chaque fois les bras de suspension arrière tellement ça forçait ! Il fallait les changer pour la prochaine sortie.
Vous faisiez ces essais à l'Autodromo ?
EC : Madonna, no ! Sulla strada ! Avec les plaques "Prova", les carabinieri fermaient presque toujours les yeux. Mais je me suis quand même fait arrêter parfois car j'avais vraiment exagéré ! Une fois, avec cette Merak Turbo jaune, je vois un gars avec une Porsche 911 qui me cherche. Il m'attend puis accélère à fond devant moi. Il me provoque. Quand il ralentit volontairement, je le dépasse et je ralentis aussi devant lui puis, d'un coup, j'accélère à fond : je l'ai laissé sur place ! En plus, la Merak Turbo faisait des flammes de 30 cm derrière l'échappement en pleine charge ! Plus loin, j'ai ralenti pour voir sa tête et j'ai recommencé à accélérer et à l'attendre. Il m'a fait signe de me garer et on a discuté. Non, ce n'était pas une simple Merak !
Pourquoi n'avez-vous pas produit la Merak Turbo ? Pour ne pas faire de l'ombre à la future Biturbo en préparation ?
EC : Non, non, pas du tout. De Tomaso l'avait essayée et il était emballé. Bien que sans permis, il conduisait et très vite. Quand on tutoie les ministres, on ne craint rien ! De Tomaso voulait la sortir, la Merak Turbo, mais il y avait trop de problèmes à régler. On a eu beau calorifuger les tuyaux d'échappement, ce gros turbo était un vrai radiateur qui dégageait beaucoup de chaleur. Le liquide de frein surchauffait et en 15 minutes il n'y avait plus de freins arrière qui étaient des disques in-board contre la boîte de vitesses. Il y a eu du mieux en déplaçant les freins dans les roues mais pas suffisament. Il y avait un peu le même problème de chaleur avec le tuyau de communication entre les deux réservoirs droit et gauche. Il faisait beaucoup trop chaud dans le compartiment moteur, malgré l'ajout de deux écopes latérales. Le moteur lui-même surchauffait. Je suis allé à Los Angeles chercher des radiateurs et des ventilateurs surdimensionnés et ça allait un peu mieux. J'ai pu faire un test à fond pendant 30 minutes à 280 km/h compteur sur la piste de Nardo et rien n'a cassé. Mais il n'y avait plus de freins ! Sortir la Merak Turbo nous aurait pris trop de temps de mise au point pour solutionner tous ces problèmes et on étaient accaparés par la future Biturbo.
L'expérience Merak Turbo vous a-t-elle aidé pour la Biturbo ?
EC : Oui, on a compris des choses avec la Merak Turbo comme surdimensionner les radiateurs et garder une grande calandre. Et puis, ça nous a aidés en 1978 pour obtenir les turbo IHI pour la future Biturbo. C'est encore Casarini et moi qui avons négocié avec les japonais. On présentait bien, le nouveau V6 était prêt, on a montré les tests que l'on avait faits sur la Merak. Ils ont vu qu'on étaient sérieux et ils ont donné leur accord.
Eh bien voilà, chers amis maseratistes, ce que j'ai pu rassembler sur la Merak Turbo qui est conservée avec beaucoup de soins et d'attentions à l'inestimable musée Panini. Un immense merci à Giovanni Panini pour m'avoir accueilli en temps de covid et autorisé à publier ce reportage.
(photo Barth)
Vous aviez participé à l'élaboration et longuement testé la Merak Turbo à l'époque, quelles étaient vos impressions ?
EC : La puissance de la Merak Turbo était énorme mais on avait le temps de téléphoner et d'attendre la ligne avant qu'elle arrive (geste de la main avec l'écouteur). Par contre, quelle poussée ! Lors de mes premiers essais, je cassais les demi-arbres de transmission et même, je pliais presque à chaque fois les bras de suspension arrière tellement ça forçait ! Il fallait les changer pour la prochaine sortie.
Vous faisiez ces essais à l'Autodromo ?
EC : Madonna, no ! Sulla strada ! Avec les plaques "Prova", les carabinieri fermaient presque toujours les yeux. Mais je me suis quand même fait arrêter parfois car j'avais vraiment exagéré ! Une fois, avec cette Merak Turbo jaune, je vois un gars avec une Porsche 911 qui me cherche. Il m'attend puis accélère à fond devant moi. Il me provoque. Quand il ralentit volontairement, je le dépasse et je ralentis aussi devant lui puis, d'un coup, j'accélère à fond : je l'ai laissé sur place ! En plus, la Merak Turbo faisait des flammes de 30 cm derrière l'échappement en pleine charge ! Plus loin, j'ai ralenti pour voir sa tête et j'ai recommencé à accélérer et à l'attendre. Il m'a fait signe de me garer et on a discuté. Non, ce n'était pas une simple Merak !
Pourquoi n'avez-vous pas produit la Merak Turbo ? Pour ne pas faire de l'ombre à la future Biturbo en préparation ?
EC : Non, non, pas du tout. De Tomaso l'avait essayée et il était emballé. Bien que sans permis, il conduisait et très vite. Quand on tutoie les ministres, on ne craint rien ! De Tomaso voulait la sortir, la Merak Turbo, mais il y avait trop de problèmes à régler. On a eu beau calorifuger les tuyaux d'échappement, ce gros turbo était un vrai radiateur qui dégageait beaucoup de chaleur. Le liquide de frein surchauffait et en 15 minutes il n'y avait plus de freins arrière qui étaient des disques in-board contre la boîte de vitesses. Il y a eu du mieux en déplaçant les freins dans les roues mais pas suffisament. Il y avait un peu le même problème de chaleur avec le tuyau de communication entre les deux réservoirs droit et gauche. Il faisait beaucoup trop chaud dans le compartiment moteur, malgré l'ajout de deux écopes latérales. Le moteur lui-même surchauffait. Je suis allé à Los Angeles chercher des radiateurs et des ventilateurs surdimensionnés et ça allait un peu mieux. J'ai pu faire un test à fond pendant 30 minutes à 280 km/h compteur sur la piste de Nardo et rien n'a cassé. Mais il n'y avait plus de freins ! Sortir la Merak Turbo nous aurait pris trop de temps de mise au point pour solutionner tous ces problèmes et on étaient accaparés par la future Biturbo.
L'expérience Merak Turbo vous a-t-elle aidé pour la Biturbo ?
EC : Oui, on a compris des choses avec la Merak Turbo comme surdimensionner les radiateurs et garder une grande calandre. Et puis, ça nous a aidés en 1978 pour obtenir les turbo IHI pour la future Biturbo. C'est encore Casarini et moi qui avons négocié avec les japonais. On présentait bien, le nouveau V6 était prêt, on a montré les tests que l'on avait faits sur la Merak. Ils ont vu qu'on étaient sérieux et ils ont donné leur accord.
Eh bien voilà, chers amis maseratistes, ce que j'ai pu rassembler sur la Merak Turbo qui est conservée avec beaucoup de soins et d'attentions à l'inestimable musée Panini. Un immense merci à Giovanni Panini pour m'avoir accueilli en temps de covid et autorisé à publier ce reportage.
(photo Barth)
"quando turbo spira ...", Dante Alighieri dans "La Divina Commedia"
Re: La Merak Turbo
On ne s en lasse pas. Y a une suite?
- Cedfred
- V12
- Messages : 4999
- Inscription : lun. 30 sept. 2013 20:25
- Localisation : 78
- Localisation : Vallée de Chevreuse
Re: La Merak Turbo
Super intéressant... merci Maseramo !
Spyder biturbo 2.8 de 1991 - Primatist de 1997 - 3200 GT de 2001
- Froggie
- W16
- Messages : 8612
- Inscription : jeu. 12 oct. 2017 23:50
- Localisation : 0
- Localisation : Bruxelles, Belgique
Re: La Merak Turbo
Passionnant!
Merci pour ces infos de première main.
La Bora, sans turbo pourtant mais avec un bouilleur encore plus gros, a paraît-il toujours eu des problèmes de surchauffe dans la baie moteur.
Mais finalement on est dans la même gamme de puissance, 300 cv, et donc de calories à évacuer.
Pas étonnant que ça devait être un four dans la baie moteur avec ce gros turbo.
Je ne comprends pas pourquoi ils n'ont pas alors totalement repensé les échappements et l'ensemble du refroidissement...
Merci pour ces infos de première main.
La Bora, sans turbo pourtant mais avec un bouilleur encore plus gros, a paraît-il toujours eu des problèmes de surchauffe dans la baie moteur.
Mais finalement on est dans la même gamme de puissance, 300 cv, et donc de calories à évacuer.
Pas étonnant que ça devait être un four dans la baie moteur avec ce gros turbo.
Je ne comprends pas pourquoi ils n'ont pas alors totalement repensé les échappements et l'ensemble du refroidissement...
- ghibli30
- V8
- Messages : 2100
- Inscription : dim. 4 sept. 2011 19:30
- Localisation : 6
- Localisation : Nice
Re: La Merak Turbo
Les fidèles de Maseratitude et des reportages de Maseramo savaient déjà un certain nombre de choses sur cette Merck. Alido et moi avions soulevé discrètement le capot lors de notre dernière sortie et on avait vu le turbo à l’arrière. Mais là, Alido nous raconte toute l’histoire! Merci Alido! Ce que tu nous apprends n’existe à mon avis bulle part. Merci aussi à notre ami Ermanno, qui ne se fait jamais prier pour nous raconter des pans d’histoire, et je suis sûr qu’il lui en reste encore!
- ghibli30
- V8
- Messages : 2100
- Inscription : dim. 4 sept. 2011 19:30
- Localisation : 6
- Localisation : Nice
Re: La Merak Turbo
Il faut se replonger dans l’ambiance et les difficultés de l’époque. La Biturbo était probablement déjà dans les cartons, et Maserati, sans un sou, ne pouvait pas courir tous les lièvres à la fois. Cette Merck était, comme on dit dans l’industrie, un démonstrateur. Elle était destinée, à moindre frais, à valider le turbo, avec nombre de défauts sans gravité sur un proto. Pari gagné. Pour l’industrialiser, il fallait régler tous les problèmes, et Maserati a probablement considéré que ç’était beaucoup d’investissement dans une voiture en fin de commercialisation. Il valait mieux partir sur un nouveau modèle du point de vue marketing, et qui serait adapté au turbo dès sa naissance. La suite a prouvé que même sur un nouveau modèle ce n’était pas simple....Froggie a écrit :Passionnant!
Merci pour ces infos de première main.
La Bora, sans turbo pourtant mais avec un bouilleur encore plus gros, a paraît-il toujours eu des problèmes de surchauffe dans la baie moteur.
Mais finalement on est dans la même gamme de puissance, 300 cv, et donc de calories à évacuer.
Pas étonnant que ça devait être un four dans la baie moteur avec ce gros turbo.
Je ne comprends pas pourquoi ils n'ont pas alors totalement repensé les échappements et l'ensemble du refroidissement...
- Princedead
- V12
- Messages : 4224
- Inscription : mar. 1 mai 2018 14:13
- Localisation : 88
Re: La Merak Turbo
Génial ! Merci Maseramo !
https://www.maseraticollection143.com/
https://www.facebook.com/Mcollection143
https://www.ebay.fr/usr/mc143-shop?_trk ... 3561.l2559
Dans le ciel et ses alentours, les oiseaux semblaient tellement immobiles qu'on en voyait aucun (Moerell)
https://www.facebook.com/Mcollection143
https://www.ebay.fr/usr/mc143-shop?_trk ... 3561.l2559
Dans le ciel et ses alentours, les oiseaux semblaient tellement immobiles qu'on en voyait aucun (Moerell)
- plm
- W16
- Messages : 9601
- Inscription : sam. 26 déc. 2015 12:43
- Localisation : 51
- Localisation : Muizon (Reims)
Re: La Merak Turbo
OUI!!!, ca s'appelle la saga Biturbo....Konimino2 a écrit :On ne s en lasse pas. Y a une suite?
Bravo Alido, comme toujours....
Re: La Merak Turbo
Superbe comme d’habitude, merci Alido, malgré son côté abouti extérieurement une très longue phase de mise au point restait a faire côté moteur et transmission.
- Gianni
- V12
- Messages : 4131
- Inscription : lun. 5 août 2013 12:49
- Localisation : 33
- Localisation : Bordeaux
Re: La Merak Turbo
Grazie mille Alido
Ghibli II 2,8 GT - 1998 - Blu Nettuno
3200 GTA Assetto Corsa - 2002 - Blu Nettuno
ex-3200 GT - 1999 - Grigio Touring
ex-Gransport 10th Anniversary - 2007 - Nero Carbonio
3200 GTA Assetto Corsa - 2002 - Blu Nettuno
ex-3200 GT - 1999 - Grigio Touring
ex-Gransport 10th Anniversary - 2007 - Nero Carbonio