Comme on est dans le vif du sujet, je me permets aussi de vous citer "La Storia Maserati" au sujet de la suite de la saison 1933 :
La Tipo 8C3000, 220 cv pour 850 kg, emportait son pilote avec 195 litres d’essence dans le dos jusqu’à 240 km/h. Elle remporta en juin 1933 le Grand Prix de France à Montlhéry avec Giuseppe Campari à son volant. Ci-dessous une 8C3000 :
Mais très vite, la même année 1933, la 8C3000 évolua en 8CM, œuvre d’Ernesto Maserati, beaucoup plus fine (vraie Monoposto) et véritable succès commercial puisque pas moins de 19 exemplaires furent vendus. Cette 8CM présentait une surface frontale très réduite, avantageuse aérodynamiquement, et surtout inaugurait la commande hydraulique des freins sur une voiture de Grand Prix, quelques mois après les premiers tests sur la 4CM1100. Ci-dessous à l'usine Maserati de Bologne de la gauche à la droite : Ernesto Maserati, le pilote Raymond Sommer au volant de sa 8CM encore inachevée, le baron Goffredo Zahender et Bindo Maserati. On voit bien la commande hydraulique des freins avant :
Cependant, initialement le châssis de la 8CM manquait de rigidité eu égard à l’augmentation de la puissance (250 cv 250 km/h).
A Spa, le 9 juillet 1933 (soit deux mois après son succès à Montlhéry), le pilote Giuseppe Campari refusa de prendre le volant de sa 8CM en course, arguant que la tenue de route était trop incertaine. Or le grand Tazio Nuvolari était aussi à Spa, mais les mains dans les poches, en observateur. Il envisageait de quitter la Scuderia Ferrari, le département course d’Alfa Romeo, considérant que les voitures n’évoluaient plus assez. Apprenant le forfait de Campari, Tazio se précipita dans le stand de Maserati et se proposa pour piloter la 8CM en course ce qui fut immédiatement accepté par les frères Maserati. Mais le grand Nuvolari, aussi fin metteur au point que pilote exceptionnel, voulait plus : il demanda et obtint sur le champ l’autorisation de rigidifier le châssis avant la course. En fait, Tazio ne « traînait » surement pas à Spa par hasard. Il devait avoir sa petite idée en tête. Juste quelques jours avant, il avait racheté personnellement la 8CM du pilote Raymond Sommer et en avait constaté le manque de rigidité. Son diagnostic et le traitement préconisés étaient clairs : il fallait fermer à l’aide de plaques métalliques le U ouvert en avant des deux longerons de la 8CM.
Qu’à cela ne tienne, la 8CM bénéficia de l’hospitalité de l’usine Belge Minerva où Tazio lui-même et son mécanicien personnel Decimo Compagnoni soudèrent des plaques d’acier fermant le châssis en avant. Le "mantouan volant" (Tazio) se fit une idée de l’amélioration sur route ouverte dans le trajet entre l’usine et le circuit mais il arriva trop tard pour participer aux essais qualificatifs du matin. Il dut prendre le départ en toute fin de grille. Avant le début de la course, Tazio fit passer par Compagnoni un mot griffonné à l’intention d’Achille Varzi (Bugatti) et Louis Chiron (Alfa Romeo) qui occupaient la première ligne : « vous pouvez vous écarter, je vais vous doubler ». Les deux champions sourirent d’abord, mais rirent jaune quand Tazio prit la tête de la course à la fin du premier tour pour ne plus la quitter et remporter haut la main le Grand Prix de Belgique en 4 heures et 9 minutes de course pour 595 km ! Ci-dessous Tazio Nuvolari vainqueur à SPA 1933 :
On rembarque dans un camion transporteur la 8CM de Nuvolari avec la couronne de lauriers :
J'avais discuté de cette course en 2014 à Avignon avec Alfieri Maserati, le fils d'Ernesto Maserati qui dirigeait alors la firme au Trident. Alfieri Maserati me donna une version à peine différente de celle, classique, que j'avais écrite dans "La Storia". Son père Ernesto lui a dit que Tazio Nuvolari n'avait pas piloté la Maserati "usine" délaissée par Campari mais sa 8CM personnelle qu'il venait d'acheter et qu'il avait effectivement renforcée à l'usine Minerva, se rendant compte lors des essais libres du manque de rigidité ! (photo Barth avec Alfieri Maserati)