Maseratitude

Chers amis Biturbistes de cœur, voici donc le huitième article du gros dossier Biturbo qui comprendra 20 articles au total :

http://www.maseratitude.com/viewtopic.php?f=11&t=9754


Comme d'habitude pour les sujets de ce dossier Biturbo, je commence par vous poster l'article que Classiche Masters m'a commandé pour leur forum :

La Shamal
En 1989, Alejandro De Tomaso comprit qu'il fallait, au contraire de 1981, élargir la gamme Maserati vers le haut et proposer, après la Karif qui n'était qu'une demi supercar, un vrai bolide de rêve afin de changer radicalement l'image des Biturbos et l'ennoblir. Ce fut la Shamal.

De Tomaso demanda au fidèle Marcello Gandini de lui dessiner sur base Karif sa supercar supercompacte mais, Maserati étant sans le sou, Gandini devait tenir un cahier des charges drastique. Le châssis de la Karif devait être strictement conservé, empattement, portes, toit, structure de la carrosserie, empreinte au sol devaient être respectés. Un vrai casse-tête !

Le génial Gandini a réussi le tour de force de dessiner un monstre d'agressivité, la plus violente visuellement de toutes les Biturbos, ceci en partant d'un "gentil cabriolet en hard top" tout sage d'aspect. Les ailes étaient gonflées et bodybuildées, les prises d'air foisonnaient, la taille se resserrait au milieu de l'empattement pour respecter la position des portes puis s'hypertrophiait à nouveau largement. La bande noire mate verticale ceinturant le toit, la découpe oblique du passage des roues arrière (clin d'œil à la Lamborghini Countach du début de la carrière du designer), tout était violent, voire choquant. Quand on regarde cette "bestia", même de nos jours 33 ans plus tard, avec son porte-à-faux avant marqué et son empattement court, on dirait qu'elle va bondir d'un coup, tout dévorer. Ses yeux sont petits mais multiples (pas moins de huit vous transpercent).
Elle est méchante cette bête-là, "cattiva, molto cattiva", non pas belle dans le sens classique du terme mais monstrueuse, brute, hypertrophiée. Sa valeur artistique est réelle mais c'est là de l'art moderne, intellectualisé, conceptualisé. Rien à voir avec la beauté lisse, première, pure, intemporelle et évidente pour tous au premier regard de la 3200 GT, l'ultime Maserati Biturbo due à Giugiaro.
Au contraire, la Shamal de Gandini nécessite, pour l'apprécier, un bagage de connaissances. Il faut être initié pour la reconnaître belle. Un non averti peut très bien être choqué, la trouver difforme (avec ses passages arrière de roues obliques, son porte à faux avant bien long et ses ailes renflées) et la dédaigner. On peut dédaigner Picasso ou Boulez, pas Renoir ou Mozart. La Shamal peut déplaire, pas la 3200 GT. Mais beaucoup de Maseratistes sont absolument fans des deux ! Chacune dans son genre est géniale d'émotions délivrées.
La Shamal fut présentée à Modène le 14 décembre 1989, un mois après la chute du mur de Berlin.


Specifications

Body
two doors, 2+2 coupé, wheel base 2.40 m , monocoque designed by Marcello Gandini.

Engine
Pour motoriser sa bête, Alejandro De Tomaso n'avait pas lésiné malgré ses finances délicates et avait choisi de développer un V8 Biturbo, rien de moins ! La volonté de prestige était manifeste.
Même si deux cylindres ont été rajoutés, toute l'architecture moteur du V8 3.2 litres de la Shamal était exactement similaire à celle du V6 2 litres quatre soupapes par cylindre de la 2.24v : même angle d'ouverture du V à 90 degrés, arbre à cames d'admission (vers le centre du V) entraîné par la même chaînette (à l'arrière du moteur) depuis l'arbre à cames d'échappement (vers l'extérieur du V) lui-même entraîné par la longue courroie crantée de distribution (en avant du moteur pour plus d'accessibilité), turbocompresseurs et échangeurs air-air équivalents, même collecteur en Y de l'air comprimé en avant et au milieu du V, même disposition des périphériques (alternateur à gauche, compresseur de clim à droite entraînant celui de la direction assistée situé au-dessus). Par contre, la Shamal est la première Maserati Biturbo à allumage statique, sans distributeur.

Shamal : V8 3.2 liters 322 puis 326 hp boite Getrag 6 vitesses Différentiel Ranger 260 puis 270 kph 369 ex de 1990 à 1996

Competitors
La Shamal était initialement horriblement chère, elle coutait le prix de deux 222 de 2.8 litres ! Mais son prix diminua de 16 % en 1995 car la sortie de la Ghibli II, bien meilleur marché, l'avait menacée commercialement en 1993-1994.

Le même article en anglais sur le site de Classiche Masters :
https://www.classichemasters.com/models/maserati-shamal

Nous en arrivons au complément Maseratitude / Classiche Masters !

Che bestia :
La Shamal appartient à la troisième génération des Biturbo et pour cause, c’est elle qui a créé cette troisième étape, la Shamalisation de la gamme !


En effet, la Shamal inaugure une nouvelle veine esthétique sur base de l’ancienne structure Biturbo. Les éléments de Shamalisation, que l’on retrouvera ensuite sur toute la gamme, sont les phares carénés (les cat’s eyes), la calandre avancée – élargie – affinée verticalement, le spoiler en bas du pare-brise :
A ces éléments s’en rajoutent d’autres plus spécifiques à la Shamal dont on retrouvera certains sur la Ghibli II : les ailes hypertrophiées, les bas de caisse arqués pour suivre les portières renfoncées, la malle très relevée, l’arceau extérieur noir ceinturant le toit, les passages de roues arrière obliques.

Marcello Gandini a vraiment fait fort avec la Shamal car il avait des obligations draconiennes. En conservant le châssis, l’empreinte au sol des roues, la position des portes et du toit de la Karif, il est parti de ça :
Pour faire ça :
De ça :
Pour en arriver là :
Et avec un peu de hauteur, il est passé de ça :
A ça :

Voici ci-dessous Marcello Gandini en pardessus beige parlant de son œuvre avec un journaliste japonais à l’usine de Modène autour du 14 décembre 1989 :


Ce journaliste n’était pas notre ami Shinishi Ekko que voilà ci-dessous à gauche vers 1991 avec Paolo Casolari de l’autre côté de cette belle Shamal noire à l’usine Maserati :

Les pères du moteur V8 Biturbo inauguré sur la Shamal sont l’ingénieur Walter Ghidoni (chemise blanche) et le motoriste Ermanno Corghi (chemise bleue) photographiés piazza Roma à Modène en septembre 2022 lors des fêtes pour les 40 ans de la Biturbo :
Ils sont partis de ça :
Pour obtenir cela :
En fait, extérieurement ils ont simplement rajouté deux cylindres. L’architecture et les accessoires sont les mêmes : même angle d'ouverture du V à 90 degrés, arbre à cames d'admission (vers le centre du V) entraîné par la même chaînette (à l'arrière du moteur) depuis l'arbre à cames d'échappement (vers l'extérieur du V) lui-même entraîné par la longue courroie crantée de distribution (en avant du moteur pour plus d'accessibilité), turbocompresseurs et échangeurs air-air équivalents, même collecteur en Y de l'air comprimé en avant et au milieu du V, même disposition des périphériques (alternateur à gauche, compresseur de clim à droite entraînant celui de la direction assistée situé au-dessus) :
Par contre l’ « albero motore » comme disent les italiens, le vilebrequin, est à plat (les manetons où s’attachent les bielles sont à 180 degrés l’un de l’autre) nécessitant très peu de masses d’équilibrages. Ce moteur sans inertie grimpe dans les tours à toute vitesse mais génère plus de trépidations qu’un vilebrequin en croix (qui a les manetons à 90 degrés l’un de l’autre mais des masses d’équilibrages plus lourdes). Cependant ces vibrations vont bien avec le caractère bestial de la Shamal. Le vilebrequin sera par contre en croix, dans ce même moteur, quand il sera installé dans la Quattroporte IV puis la 3200GT, voitures plus civilisées !

Hello engine :
Voyons un peu ce que donne ce moteur de Shamal dans son compartiment :
On note que, faute de place, l’unique filtre à air postérieur des Biturbo a disparu, remplacé par deux filtres antérieurs droits et gauche. De même plus de distributeur, la Shamal inaugure l’allumage statique !

A l’intérieur, en série plus de bois sauf sur le pommeau de levier de la boite Getrag 6 vitesses :
Mais certaines ont eu le volant en bois :
Et sur commande spéciale, on a pu livrer des boiseries faisant le tour de l’habitacle, même entre les deux sièges arrière (ce qui est absolument spécifique à la Shamal) :
Les sièges avant sont des baquets spécifiques, les places arrière sont très mesurées, utilisables seulement par des enfants à condition encore que les parents avancent un peu leurs sièges.

Merci l'ami

La Shamal c'est beau et bestial...j'adore...dommage que les prix ce soient envolés

Ciao Abba, oui, c'est vrai que son caractère d'icône la plus violente des Biturbo a entrainé une flambée des prix.

Les ailes sont hypertophiées et encadrent des portes rectilignes type Karif :
Les passages de roue arrière obliques sont un clin d’œil à la Lamborghini Countach du même auteur :
Clichés de Michael Ward pour Classiche Masters :
Certains ont été gênés par ces passages de roue obliques et ont préféré la Shamal en noir car ça se voit moins, effaçant du même coup le bandeau noir de toit :
Elle reste très méchante dans cette couleur :
Quatre yeux vous observent de chaque côté :
Arqueboutée, prête à bondir :

Petits détails :

C’est du brutal, et pas que visuellement :
Je l’adore, particulièrement avec des cales élargissant les voies et ces jantes démontables optionnelles :

Un souvenir ému de mon essai de celle de Barth il y a quelques années en Suisse :

maseramo a écrit :Marcello Gandini a vraiment fait fort avec la Shamal car il avait des obligations draconiennes. En conservant le châssis, l’empreinte au sol des roues, la position des portes et du toit de la Karif, il est parti de ça :

Pour faire ça :

Autant je trouvais la Shamal un peu extrême il y a qques années (trop bodybuildée), autant je la trouve très originale/réussie aujourd'hui.
Gandini a réussi un coup de maître avec l'obligation draconienne de conserver la plateforme de la Karif, et de faire un cygne à partir d'un canard (bon, musclor, le cygne )

Merci beaucoup pour ce super article

Lodein

Le club très ferme des Shamalowner.

Merci les amis.
369 membres au maximum !

Merci Alido.
La Shamal ne laisse personne de marbre, c’est certain.
On sait quelles ont été les couleurs de carrosserie et éventuellement combien ont été produites, teinte par teinte?
Personnellement, je l’aime beaucoup en noir mais faudrait la voir en vrai. Je pense que c’est le type même d’auto qui se laisse difficilement photographier et qui gagne à être vu en vrai.

Mieux en rouge…

Cioa Gilles,
Contrairement à la Racing livrable uniquement en rouge et en noir ( quoique 1 exemplaire bleu d’origine était présenté à Padova 2022 ), la Shamal pouvait recevoir toutes les teintes Maserati. L’immense majorité, cependant, fut livrée rouge ou noir.

Elle est tellement compacte... Hormis des tvr peut être je ne connais pas de voiture de cette taille qui dispose d'un v8 sous le capot . le design ma toujours fasciné encore a l'heure actuelle il reste très agressif et bestial.
La voiture donne l'impression d'assumer son rôle de monstre
Petite, carrosserie bodybuilder, intérieur prestigieux et v8 Biturbo, cette voiture représente tout à fait la compacte survitaminée bien avant les modèles qui font référence aujourd'hui !