Maseratitude

(n'hésitez pas à cliquer sur les images pour les agrandir, ça vaut souvent le coup !)


Chers amis Biturbistes de cœur, voici donc le treizième article du gros dossier Biturbo qui comprendra 20 articles au total :

http://www.maseratitude.com/viewtopic.php?f=11&t=9754


Comme d'habitude pour les sujets de ce dossier Biturbo, je commence par vous poster l'article que Classiche Masters m'a commandé pour leur forum :

La 430

Présentée le 14 décembre 1987, la 430 fut vraiment un excellent numéro dans la saga Biturbo, bien qu'un numéro énigmatique car la pure logique aurait été de nommer cette voiture 428 ! Placer dans la légère et compacte carrosserie des 425 et 420 le nouveau moteur V6 2.8 litres 250 cv inauguré sur la 228 engendra une berline survitaminée, accélérant quasiment comme une Ferrari Testarossa de 5 litres tout en amenant femme, enfants, belle maman et leurs bagages ! Henri Pescarolo disait en 1988 de la 430 : "sous l'aspect d'une petite limousine élégante se cache une véritable furie".

Le moteur ne fut pas le seul point fort de la 430 qui bénéficia d'une nouvelle géométrie du train avant baptisée "Mecannica Attiva" donnant une meilleure stabilité en courbe. Le carrossage des roues (angle par rapport à la verticale) restait constant quel que soit le niveau de braquage. A l'arrière, la 430 portait un nouveau différentiel à glissement limité baptisé Ranger. Le différentiel Ranger aura une grande importance pour les Maserati Biturbo car, hormis les 2 litres 222 et 422, il les équipera toutes après la 430 avant de céder la place à un différentiel ZF sur les Quattroporte IV en 1994 et les Ghibli GT en 1995.

En 1990, apparut la version catalysée de la 430, dont la puissance était ramenée à 225 cv mais dont le couple était presque inchangé. La 430 4v, présentée en 1991 avec le moteur 2.8 litres à 4 soupapes par cylindre 279 cv, représente l'aboutissement de la carrosserie "4".

Specifications

Body
four doors, Sedan 5 seaters, wheel base 2.60 m , monocoque designed by Pierangelo Andreani, modificated by Marcello Gandini.

Marcello Gandini a apporté en 1987 de très subtiles évolutions esthétiques à la carrosserie "4" d'Andreani pour obtenir la 430 : calandre à grillage oblique légèrement arrondie et penchée vers le bas, bords d’attaque du capot affinés, rétroviseurs carénés. Il transposera en 1988 ces même modifications sur les coupés 222 puis sur les Spyder série 2. La 430 4v bénéficia en 1991 des éléments de "Shamalisation", également dus à Gandini : spoiler au bas du parebrise, phares carénés (cat's eyes), calandre avancée et élargie.

Engines
La 430 reçut initialement le V6 2.8 litres Biturbo 3 soupapes par cylindre de la 228, avec une puissance ramenée de 255 à 250 cv. Le catalyseur fit tomber la puissance de ce moteur à 225 cv en 1990. Puis la 430 4v jouit en 1991 des 279 cv du nouveau 2.8 litres à 4 soupapes par cylindre.

430 : V6 2.8 litres Biturbo 3 soupapes par cylindre 250 cv puis 225 cv 240 puis 233 km/h 995 exemplaires de 1987 à 1992

430 4v : V6 2.8 litres Biturbo 4 soupapes par cylindre 279 cv 255 km/h 291 exemplaires de 1991 à 1994


Competitors
La 430 coutait 328 960 francs français en 1988 (valeur 83 460 euros de 2020) , la 430 4 v coutait 386 636 francs français en 1993 (valeur 98 093 euros de 2020)

Nous en arrivons au complément Maseratitude / Classiche Masters !


La 430 est un sacré numéro qui fit grand honneur à Maserati ! Elle inaugura fin 1987 la seconde génération des Biturbo avec les bords d’attaque des ailes avant et du capot adoucis par Marcello Gandini, la calandre plus arrondie et les rétroviseurs plus profilés. On nommerait cela un « restyling » de nos jours. Après la 430, toutes les Biturbo (coupés et spyder) suivront la même évolution stylistique l'année 1988 qui fut une grande année : c’est ce que l’on a appelé la « nouvelle gamme » ou seconde génération de Biturbo.

Première génération :
Seconde génération :


Le nom Biturbo disparut d’ailleurs de l’appellation de ces voitures de seconde génération. La 425 était une Biturbo 425. La Biturbo Si était une Biturbo. La 430 est une 430 sans Biturbo devant, de même pour les coupés 222, 222 E qui ont succédé à la Biturbo Si. Ce phénomène avait déjà commencé avec la 420 i et la 420 Si qui, bien que de première génération, avaient déjà perdu l’appellation Biturbo … Comme si le mot « Biturbo » qui avait tant fait rêver au début des années 80 n’était plus porteur commercialement. On a voulu le supprimer et le remplacer par des appellations numériques pour tourner la page, pour bien signifier que "la nouvelle gamme" était vraiment différente, plus aboutie et plus fiable, ce qui était parfaitement vrai … mais elles restaient pourtant de pures Biturbo, ces charmantes Biturbelles de seconde génération !

Il y eut en fait quatre séries de 430.

Les premières 430 de début 1988 jusqu’en mars 1990 conservèrent les parechocs échancrés des Biturbo de première génération :
La 430 inaugure les 4 échappements qui se généraliseront à tous les 2.8 litres Biturbo et aux 2 litres à 4 soupapes par cylindre. Ces échappements s’admirent au mieux avec ces parechocs échancrés qui ne les carénaient pas. (cliquez sur l'image dessous )

La seconde série de 430 dite « new look » ou « Model Year 90 » adopte les parechocs enveloppants et les bas de caisse latéraux inaugurés en 1988 sur la 2.24v première série et le bequet arrière de la 4.24 v :
Cette 430 « new look » reprenait le moteur 2.8 litres biturbo injection 3 soupapes par cylindre des premières 430 mais avec le catalyseur en série ce qui faisait chuter sa puissance de 250 à 225 cv. Les premières 430 ne possédaient de catalyseur que pour certains marchés (USA, Allemagne, Autriche, Suisse, Suède). De plus la 430 « new look » avait un ABS en série.

Cette première et cette seconde série de 430 appartiennent toutes les deux à la seconde génération de Biturbo :
La troisième série (430 MY 92) et la quatrième série (430.4v) appartiennent à la dernière génération de Biturbo.

La troisième génération de 430, dite 430 « Model Year 92 » est mécaniquement une 430 « new look » à 3 soupapes par cylindres mais avec les éléments de Shamalisation (phares carénés, calandre élargie, spoiler au bas du parebrise, jantes à 7 branches) :
Cette 430 MY92 va être produite jusqu’en 1994 tout comme la 430.4v qui, quatrième et ultime 430, est identique esthétiquement à la MY92 mais avec le moteur 2.8 litres biturbo à 4 soupapes par cylindres de 279 cv :

Finalement, il y a de stricts parallèles entre la berline 430 et le coupé 222 dans sa version 2.8 litres :

La 430 correspond à la 222 E (parechocs échancrés, 3 soupapes, 250 cv sans catalyseur, boite ZF)

La 430 MY90 correspond à la 222 SE (parechocs enveloppants, 3 soupapes, 225 cv avec catalyseur, boite ZF)

La 430 MY92 correspond à la 222 SR (Shamalisation, 3 soupapes, 225 cv avec catalyseur, boite ZF)

La 430.4v correspond à la 222.4v (Shamalisation, 4 soupapes, 279 cv, boite Getrag)

Toutes ces Biturbo possèdent la boite ZF 5 vitesses première en arrière gauche sauf la 430.4v et son pendant à 2 portes (la 222.4v) qui ont la boite Getrag 5 vitesses première en avant gauche.

Mais revenons à cette belle 430 première série « griggio medio metallizzato » :
J’aime beaucoup les parechocs échancrés qui rendent plus élancé le profil et affinent l’auto. Et quel plaisir de voir les échappements apparents :

Curieux, celle-ci n’a pas le volant en bois qui est normalement de série. Elle a un volant de Biturbo première génération :
L’alcantara bleu sur le tableau de bord signe souvent, mais pas toujours, la présence du 2.8 litres. L’intérieur est vraiment splendide :
La 430 pouvait recevoir deux types de sièges au choix. Soit ceux ci-dessus très confortables, surface entièrement revêtue de cuir, alcantara sur les flancs et le dossier. Soit ceux ci-dessous plus sportifs avec un meilleur maintient latéral, empruntés aux coupés, cuir au centre et alcantara sur les côtés de la surface : Ces deux possibilités de sièges concernaient bien sûr aussi la banquette arrière :

Un vrai salon pullman :
Quelques détails intérieurs :
Le toit ouvrant était optionnel.

Le coffre, assez profond, dépasse les 500 litres. Comme sur toutes les Biturbo (y-compris 3200GT et Quattroporte IV) le réservoir est vertical derrière la banquette arrière, situation assez idéale car pesant pile sur le train arrière ce qui améliore son adhérence à la route, sans porte à faux, et loin des impacts en cas d’accident. Cependant adieu trappe à skis et banquette rabattable !

La 430 est quasiment (avec la 228) la première Biturbo équipée du nouveau différentiel Ranger. Ce différentiel fut d’ailleurs présenté à la presse et aux VIP en même temps que la 430 lors de la mythique conférence de presse du 14 décembre 1987 :
Une écope d’air, en arrière du différentiel, aidait à son refroidissement : La 430 inaugura ainsi 2 mois après la 228 ce nouveau différentiel à glissement limité développé par Quaife et baptisé Ranger (utilisé jusqu’en 2011 sur la Ford Focus RS !). Ce différentiel complexe avec sa couronne de deux fois six engrenages hélicoïdaux périphériques entourant deux engrenages centraux droit et gauche parvenait à encaisser l'avalanche brutale de puissance des moteurs Biturbo et parvenait à la répartir entre les deux roues arrière de façon totalement variable en fonction de leur état d'adhérence et de leur vitesse de rotation.


Après la 430, ce différentiel équipera toutes les Biturbo 2.8 litres (228, 222 E, 222 SE, 222 SR, 222.4v, Karif, Spyder 2.8, premières Ghibli 2.8), les deux litres à 4 soupapes par cylindre (2.24v, 4.24v, premières Ghibli 2 litres) et les Shamal. Le différentiel Ranger aura donc une très grande importance dans la saga des Maserati Biturbo avant de céder la place à un ZF sur les Quattroporte IV, les Ghibli GT puis les 3200 GT.

Le train arrière de la 430 avec ses bras tirés comme sur toutes les Biturbos. Notez que le différentiel est boulonné à une barre transversale elle même fixée à la caisse :

La 430 fut aussi la première Maserati à bénéficier d'une nouvelle géométrie du train avant baptisée "Mecannica Attiva". Des leviers permettaient aux bras de suspension inférieurs et aux biellettes de direction de rester totalement parallèles, ce qui donnait une meilleure stabilité en courbe. De plus, le carrossage des roues (angle par rapport à la verticale) restait constant quel que soit le niveau de braquage.
Cette géométrie du train avant fut ensuite progressivement étendue à toute la gamme Biturbo. On sait qu’elle est présente si les jantes de l’auto sont à 5 écrous, moyen simple et efficace signant ce dispositif.

Venons en maintenant au moteur de la 430, un joyau du Biturbisme ! Après 7 ans d’amélioration successives (contrôle électronique du boost des Turbos, turbos refroidis par eau, échangeurs air-air refroidissant l’air admis, injection électronique … ), tout le savoir faire et l’expérience de l’ingénieur Walter Ghidoni et du motoriste Ermanno Corghi furent investis dans ce moteur 2.8 litres que la 430 reçut 2 mois après la 228 et avant le reste de la « nouvelle gamme » de la folle et riche année 1988 (222 E, Spyder 2.8, Karif) :
Sur les moteurs à 3 soupapes par cylindre, l'inscription 2800 est portée sur le couvre culasse côté gauche (ce sera côté droit pour les moteurs à 4 soupapes par cylindre).

Vous l’avez bien compris, nouvelle esthétique subtilement profilée, nouvelle géométrie du train avant, nouveau différentiel, nouveau moteur 2.8, la 430 fut la première et le porte étendard de cette « nouvelle gamme », de cette seconde génération de Biturbo.

Le 2.8 litres 250 cv non catalysé est un véritable « catapulteur » qui envoie les 1200 kg (à sec) de la 430 à 100 km/h en moins de 5.9 secondes et jusqu’à 240 km/h ! Henri Pescarolo disait en 1988 de la 430 : "sous l'aspect d'une petite limousine élégante se cache une véritable furie". Un comparatif avec la Lancia Thema 3.2 (moteur Ferrari mais traction) place nettement la Maserati 430 devant. Bref, en termes d’accélérations et de reprises, vous aviez avec cette petite berline compacte toute sage d’aspect à peu près les mêmes performances qu’avec une Ferrari Testarossa de 5 litres ! inoui ! Les pères de famille n’ont jamais été aussi heureux ! Seule la vitesse de pointe était desservie par une aérodynamique inadaptée aux très grandes vitesses.

La suspension assez souple entrainait bien sûr des déhanchements en conduite extrême mais autorisait la permanence d’un bon contact sur chaussée dégradée, gage de bonne tenue de route. La 430 poussée dans ses retranchements sur circuit par les essayeurs de MotorWeek :
En version catalysée 225 cv, la 430 perd un peu de vitesse de pointe à 233 km/h mais conserve des accélérations quasiment équivalentes, ne concédant que 0.2 secondes de plus au 0 à 100 (6.1 secondes).

Forte des 279 cv de son 2.8 litres à 4 soupapes par cylindre et de son aérodynamique améliorée, la 430.4v est une berline ahurissante avec 255 km/h en pointe et 5.8 secondes au 0 à 100 Km/h. Le moteur de la 430.4v avec l'inscription 2800 sur le couvre culasse droit :

Merci Alido pour cette nouvelle monographie.

Je reste toujours étonné par l'habitabilité intérieure relativement importante de la 430 par rapport à ses dimensions. Idem pour le coffre confortable. Une berline vraiment familiale.

Etonné aussi que le Ranger ait été d'abord introduit sur cette berline familiale plutôt que sur une des 2 portes sportives de la firme à l'époque.
Le concept Quaife/Ranger (nouveau à l'époque des différentiels à glissement limité par friction de disques) est très séduisant, et robuste.
Sa seule "limitation" est qu'il faut que les deux roues du train AR soient en contact avec le sol.
En cas de délestage complet de la roue intérieure, l'effet est annulé .
Mais avouons que ce concept est adéquat pour la grande majorité des situations de conduite, et notamment sur une berline familiale.
J'observe d'ailleurs sur les dernières photos ci-dessus que le train AR restait collé sur le bitume même lors de sollicitations importantes

Ciao Froggie, oui le Ranger aidait bien dans la plupart des cas et, la suspension de la 430 étant souple, les roues restaient au sol même avec un gros roulis. Je vous mettrai à la fin une video de la 430 poussée aux limites, c'est très souple et les roues ne décollent pas.



Mais alors pourquoi l’appellation 430 ? Logiquement, équipée d’un moteur 2.8 litres Biturbo, la 430 aurait dû s’appeler 428. D’ailleurs il y eut un prototype unique 428 de couleur dorée équipé d’un 2.8 litres à carbu sans échangeur placé dans une caisse de première génération (photos Barth Lafont aux 30 ans de la Biturbo en 2012) :
L’intérieur de la 428 est superbe en alcantara de trois teintes différentes :
Cette 428 appartient à Mr Schiemenz de Bonn en Allemagne, un grand collectionneur de Maserati qui était revenu avec aux 40 ans de la Biturbo et qui nous a dit que cette 428 avait été utilisée en daily par Alejandro De Tomaso. (Après la Simun qui fut aussi un temps son daily, le Boss de Maserati aimait rouler en concept car unique ! Bien qu’ancien pilote de course, il n’avait pas son permis de conduire et ne roulait pas lentement, mais quand on tutoie les ministres et que l’on donne du travail à plus d’un millier de familles …).

Mais alors pourquoi ne pas avoir appelé 428 le modèle de série présenté fin 1987 avec le 2.8 litres injection intercoolers dans la carrosserie « nouvelle gamme » ?

Après en avoir discuté avec Claudio Ivaldi, président du Maserati Club Italia, il semble bien que ce soit pour des raisons de marketing. De Tomaso voulait que les acheteurs de 430 sachent que leur voiture était dans la classe 3 litres, voire 3 litres et plus. Il a d’ailleurs été très modeste, Alejandro De Tomaso, sur ce coup là. Il aurait très bien pu appeler sa nouvelle berline 440, signifiant qu’elle avait les performances d’une 4 litres atmosphérique (250 cv à l’époque, c’était à peu près ça). La marque BMW l’avait bien fait pour sa 745 équipée d’un moteur 3.2 puis 3.4 litres Turbo. Ils ne l’avaient pas appelée 732 turbo mais 745, signifiant par là que les performances étaient celles d’une 4.5 litres atmosphérique et flattant plus l’ego du client acheteur. La 430 procède un peu du même raisonnement mais qui n’est pas parvenu au bout de son élan !

Heureusement, la voiture 430 est allée sans complexe, elle, au bout de ses promesses et fut un magnifique numéro de Biturbo. A rechercher, préserver et choyer en collection.

Pour finir, quelques photos publicitaires Maserati d’une 430 initiale, on ne s’en lasse pas. Quel plaisir ce dut être de prendre livraison d’une telle Maserati neuve (cliquez sur les photos, vous serez époustouflé) :

Wow une 430 initiale en action (photo Etienne Rovillé pour l’Automobile Sportive) :
Et en video (à partir de 4mn 26 secondes on voit la 430 poussée dans ses retranchement sur circuit) :
https://www.google.com/search?q=maserat ... 1QF9YlrKNc