Il va être intéressant de voir ce que sont devenus la firme Maserati, Fangio et la 250F après cette victoire mémorable. Commençons par Maserati.
Le général Juan Peron, ravi qu’un argentin ait remporté l’épreuve, convoqua toute l’équipe Maserati à son palais le lendemain, le lundi.
Adolfo Orsi nous a dit que son grand-père a demandé un délai au général Peron, lui proposant de venir le mardi, ce que le dirigeant argentin a accepté. Adolfo Orsi senior avait des idées derrière la tête et avait mis à profit la journée du lundi pour appeler ses banquiers en Italie et voir avec eux de quelles lignes de crédit il pouvait disposer.
Ci-dessous dans les jardins du palais, Juan Peron s’est instalé au volant de la Maserati 250F victorieuse. Fangio est en costume derrière lui, c’est le second à partir de la gauche. Adolfo Orsi senior est le troisième à partir de la droite et on voit à gauche l’ombre de son petit fils, Adolfo Orsi junior qui nous présentait ces photos.
Ce jour là, 19 janvier 1957, un important mais tragique contrat fut signé entre Juan Peron et Adolfo Orsi : Peron s’engagea à ce que l’état argentin verse 3 millions de dollars à Maserati en échange de machines outils et de matériel ferroviaire alors que Orsi concédait un délai de paiement de 3 ans et que les banques italiennes, notamment « il Credito Italianno », assuraient le financement-relai de l’investissement de Maserati. A terme, il était même prévu de créer une usine produisant des Maserati près de Buenos Aires. L’Argentine avait à peine commencé à régler une petite partie de sa dette, en blé, quand Juan Peron fut renversé et contraint à l’exil en Espagne en septembre 1955. Ses successeurs ne reconnurent pas la dette contractée par « el conductor » (c’est ainsi que l’on nommait Peron avant sa destitution, terme de même étymologie que « il duce », celui qui conduit, attribué à Benito Mussolini). Ce fut la catastrophe pour Adolfo Orsi et son fils Omer qui, dès lors, furent en délicatesse avec les banques notamment avec le « Crédito Italiano ». Heureusement, les banques laissèrent les Orsi piloter Maserati jusqu’à la fin 1957 et l’obtention du titre de champion du Monde de Formule 1 de Fangio sur une 250F alors bien aboutie. Mais dès 1958 et à cause de la dette argentine, les banques interdirent à Maserati une activité de type «compétition usine» jugée trop dispendieuse. Les Maserati de course suivantes type Birdcage, Eldorado, ainsi que les moteurs de Formule 1 pour Cooper en 1966-1967 ne furent développés que pour des clients, pas directement pour Maserati Corsa qui n’existait plus. Malgré le beau succès des modèles routiers Maserati (notamment 3500GT, Mistral, Quattroporte I), la dette des Orsi envers le Credito Italiano ne fut finalement épongée que par l’argent du rachat de Maserati par Citroën en plusieurs étapes de 1967 à 1971 ! (60 %
des parts en décembre 1967, 15 % en juin 1968 et les 25 % restants en juin 1971).
Les Orsi ont regrété amèrement ce contrat argentin signé avec Juan Peron le 19 janvier 1954. Peut-être aurait-il mieux valu pour Maserati que Fangio ne soit pas si habile sous la pluie à Buenos-Aires le 17 janvier 1957 et que la 250F n’aie pas son formidable potentiel ! Mais on ne refait pas l’histoire !!!