Les Hommes de Maserati : Don Sergio Mantovani
Publié : jeu. 7 sept. 2017 23:51
La passion des Maserati est-elle compatible avec la foi chrétienne ?
Il existe en tout cas un prêtre catholique passionné par les Maserati (puis les Ferrari puis la course automobile en général). Il s'agit de Don Sergio Mantovani dont la paroisse de Santa Caterina est toute proche de l'usine Maserati, via Ciro Menotti.
J'ai retrouvé une interview de Don Sergio Mantovani, surnommé "le prêtre de la F1" dans le magazine "RétroViseur" numéro 219 de Janvier 2007 dont je recommande le dossier spécial Maserati. Don Mantovani y raconte :
"Tout a commencé très simplement par un appel d'Omer Orsi en 1953. Il me demandait d'assister les ouvriers de l'usine. J'ai accepté. De fil en aiguille, j'ai fini par passer beaucoup de temps chez Maserati, et c'est ainsi que j'ai fait la connaissance des pilotes de l'usine, dans les ateliers."
On note qu'à l'époque, un patron soucieux du confort moral de son personnel faisait appel à un prêtre. Aujourd'hui ce serait à un psychologue du travail !
Ci-dessous Stirling Moss, Adolfo Orsi (le propriétaire de Maserati, le père d'Omer, directeur) et Don Sergio Mantovani avec une Maserati 250 F au second plan sur l'autodrome de Modène dont on reconnait les stands :
Toujours dans l'interview de RetroViseur, le prêtre de la F1 se souvient :
"Je dois dire que les belles voitures m'ont toujours attiré sans que ma vocation n'en souffre. Une vocation qui m'impose de m'occuper des hommes, de leurs tourments, de leurs espoirs. Partager la vie de ces pilotes, c'était une façon comme une autre d'exercer mon ministère".
En effet, on peut comprendre aisément que ces funambules de la piste, qui risquaient leur vie à tout instant, aient eu besoin d'un soutien spirituel.
Guerino Bertocchi, Don Sergio Mantovani et Juan Manuel Fangio :
Notre prêtre passionné de course automobile devient peu à peu très ami avec les pilotes Maserati :
Don Mantovani poursuit :
"Au fil des ans, je suis passé du statut de confident à celui d'ami pour certains pilotes comme Luigi Villoresi ou Jean Behra. Lorsque ce dernier essayait une nouvelle Maserati sur l'autodrome de Modène, il me demandait de venir sur le bord de la piste pour juger de la qualité de son pilotage et le soutenir moralement. C'est malheureusement à cet endroit que j'ai vu Eugenio Castellotti sortir de la piste avec sa Ferrari et se tuer. Il voulait battre le record du tour de la piste, une sorte de défi entre les pilotes Maserati et Ferrari. Jean Behra lui avait expliqué comment il arrivait, dans cette fameuse chicane, à gagner du temps. Eugenio a essayé et s'est tué sous nos yeux. Après avoir vu l'accident fatal, Jean a longtemps été convaincu qu'il en portait la responsabilité. "
"Une fois, sur un circuit, on m'interdit l'accès aux paddocks, les contrôleurs estimant que ma soutane pouvait être dangereuse si près des voitures. C'est alors que l'ensemble des pilotes Maserati (Moss, Villoresi, Behra et Fangio) et d'autres sont allés dire aux officiels que si je ne pouvais pas rentrer, la course se ferait sans eux." On ouvrit bien-sûr immédiatement l'accès au "prêtre de la F1" !
Pour remercier leur prêtre préféré du temps qu'il leur consacrait et du soutien moral qu'il leur apportait alors qu'ils bravaient souvent la mort, les pilotes Maserati et aussi Enzo Ferrari financèrent en grande partie une école maternelle bâtie par Don Mantovani dans sa paroisse. L'inauguration en 1961 par Juan Manuel Fangio :
Toujours lors de l'inauguration :
Chaque salle de classe de cette école peu ordinaire portait le nom d'un pilote !
Ci-dessous notre fameux prêtre encourage Odoardo Govini, le "Dieu" de la Birdcage à moteur avant avec laquelle il écuma les courses italiennes entre 1959 et 1963 :
Ci-dessous le prototype de Birdcage Tipo 64 à moteur V12 arrière est testé sur l'autodromo di Modena par Guerino Bertocchi le 17 janvier 1962 et béni par Don Mantovani :
En plus, ce prêtre est devenu pilote lui-même, comme il nous le confesse volontiers :
"C'était quasiment devenu un jeu. Chaque fois que le Comte Volpi achetait une voiture pour sa Scuderia Serenissima, il me demandait de l'essayer sur le circuit de Modène, que ce soit des GT, des barquettes Sport ou même des F1 ! A l'époque, j'avais un physique qui me permettait de me glisser aisément derrière le volant ..."
Don Mantovani fait détruire sa propre Eglise qui menace d'effondrement, montant lui même à un moment dans la cabine d'un bulldozer (ruspa en italien), ce qui lui vaut dans la presse le surnom de "Don Ruspa". C'est assez délicat car Enzo Ferrari, natif de Modène, a été baptisé dans cette Eglise et y restait très attaché. Mais Ferrari comprend et aide au financement de la reconstruction. Les deux hommes deviennent amis, d'autant plus que la Maserati s'est retirée des courses qu'aime tant "le prêtre de la F1". Ci-dessous avec Enzo Ferrari :
Ci-dessous avec Enzo Ferrari et Juan Manuel Fangio en franche rigolade :
"Don Sergio" devient une figure incontournable des paddocks :
Il suit et soutient particulièrement les pilotes Ferrari. Ici avec Clay Regazzoni :
Avec Niki Lauda après son terrible accident où il a failli brûler dans sa Ferrari :
Mais Don Sergio reste le curé de l'Eglise toute proche de l'usine Maserati et n'oublie pas ses anciens amis. Il racconte :
"Luigi Villoresi a failli finir sa vie seul. Comme personne dans sa famille ne pouvait ou ne souhaitait l'accueillir, je lui ai dit de venir à la maison de retraite de la paroisse. Chaque soir, je faisais le tour de l'usine et des bâtiments administratifs de Maserati pour rameuter des gens et les pousser à passer le voir, lui tenir compagnie ne serait-ce qu'un instant. Grâce à ça, je pense que ses derniers moments ont été agréables à vivre pour lui. Il le méritait bien. C'était un homme chaleureux et très ouvert. L'amitié, cela doit durer dans le temps ..."
Au restaurant à Modène, Don Sergio et Luigi Villoresi vieillissant :
Ermanno Cozza fait essayer une Merak à un Luigi Villoresi ravi, à droite en blazer :
Mais revenons au prêtre des gens de la F1 :
Avec Jean Todt :
Avec Luca Cordero di Montezzemolo :
Avec Eddy Jordan (les irlandais sont encore plus catholiques que les italiens) :
Mais l'attachement à Maserati, ses premières amours automobiles, reste plus fort que tout ! Ici en 2007 dans une Quattroporte V prêtée par l'usine :
Don Sergio Mantovani semble être toujours en vie en 2017, à plus de 90 ans, il est toujours resté le curé de cette même paroisse de Santa Caterina.
Mais alors avec tout ça, que devient notre question philosophique initiale ? La passion des Maserati est-elle compatible avec la foi chrétienne ?
Don Sergio Mantovani semble bien nous dire que oui.
Il en va des Maserati comme de toute création humaine. Tout dépend de ce que l'on en fait. Un couteau peut tuer mais peut aussi servir à se nourrir, à soigner (bistouri) ... Une Maserati aussi peut tuer entre des mains irresponsables, devenir un instrument d'arrogance et d'agression, ou bien être un merveilleux support de passion et d'enthousiasme partagé.
La passion des Maserati est-elle compatible avec la foi chrétienne ? Cela revient peut-être un peu à se demander si l'art est compatible avec la foi.
Certes oui !
A noter le très beau reportage sur "Don Sergio" dans Enrico's Maserati Pages à la page 292 des "Maseratisti" :
http://www.maserati-alfieri.co.uk/alfieri00a.htm
Il existe en tout cas un prêtre catholique passionné par les Maserati (puis les Ferrari puis la course automobile en général). Il s'agit de Don Sergio Mantovani dont la paroisse de Santa Caterina est toute proche de l'usine Maserati, via Ciro Menotti.
J'ai retrouvé une interview de Don Sergio Mantovani, surnommé "le prêtre de la F1" dans le magazine "RétroViseur" numéro 219 de Janvier 2007 dont je recommande le dossier spécial Maserati. Don Mantovani y raconte :
"Tout a commencé très simplement par un appel d'Omer Orsi en 1953. Il me demandait d'assister les ouvriers de l'usine. J'ai accepté. De fil en aiguille, j'ai fini par passer beaucoup de temps chez Maserati, et c'est ainsi que j'ai fait la connaissance des pilotes de l'usine, dans les ateliers."
On note qu'à l'époque, un patron soucieux du confort moral de son personnel faisait appel à un prêtre. Aujourd'hui ce serait à un psychologue du travail !
Ci-dessous Stirling Moss, Adolfo Orsi (le propriétaire de Maserati, le père d'Omer, directeur) et Don Sergio Mantovani avec une Maserati 250 F au second plan sur l'autodrome de Modène dont on reconnait les stands :
Toujours dans l'interview de RetroViseur, le prêtre de la F1 se souvient :
"Je dois dire que les belles voitures m'ont toujours attiré sans que ma vocation n'en souffre. Une vocation qui m'impose de m'occuper des hommes, de leurs tourments, de leurs espoirs. Partager la vie de ces pilotes, c'était une façon comme une autre d'exercer mon ministère".
En effet, on peut comprendre aisément que ces funambules de la piste, qui risquaient leur vie à tout instant, aient eu besoin d'un soutien spirituel.
Guerino Bertocchi, Don Sergio Mantovani et Juan Manuel Fangio :
Notre prêtre passionné de course automobile devient peu à peu très ami avec les pilotes Maserati :
Don Mantovani poursuit :
"Au fil des ans, je suis passé du statut de confident à celui d'ami pour certains pilotes comme Luigi Villoresi ou Jean Behra. Lorsque ce dernier essayait une nouvelle Maserati sur l'autodrome de Modène, il me demandait de venir sur le bord de la piste pour juger de la qualité de son pilotage et le soutenir moralement. C'est malheureusement à cet endroit que j'ai vu Eugenio Castellotti sortir de la piste avec sa Ferrari et se tuer. Il voulait battre le record du tour de la piste, une sorte de défi entre les pilotes Maserati et Ferrari. Jean Behra lui avait expliqué comment il arrivait, dans cette fameuse chicane, à gagner du temps. Eugenio a essayé et s'est tué sous nos yeux. Après avoir vu l'accident fatal, Jean a longtemps été convaincu qu'il en portait la responsabilité. "
"Une fois, sur un circuit, on m'interdit l'accès aux paddocks, les contrôleurs estimant que ma soutane pouvait être dangereuse si près des voitures. C'est alors que l'ensemble des pilotes Maserati (Moss, Villoresi, Behra et Fangio) et d'autres sont allés dire aux officiels que si je ne pouvais pas rentrer, la course se ferait sans eux." On ouvrit bien-sûr immédiatement l'accès au "prêtre de la F1" !
Pour remercier leur prêtre préféré du temps qu'il leur consacrait et du soutien moral qu'il leur apportait alors qu'ils bravaient souvent la mort, les pilotes Maserati et aussi Enzo Ferrari financèrent en grande partie une école maternelle bâtie par Don Mantovani dans sa paroisse. L'inauguration en 1961 par Juan Manuel Fangio :
Toujours lors de l'inauguration :
Chaque salle de classe de cette école peu ordinaire portait le nom d'un pilote !
Ci-dessous notre fameux prêtre encourage Odoardo Govini, le "Dieu" de la Birdcage à moteur avant avec laquelle il écuma les courses italiennes entre 1959 et 1963 :
Ci-dessous le prototype de Birdcage Tipo 64 à moteur V12 arrière est testé sur l'autodromo di Modena par Guerino Bertocchi le 17 janvier 1962 et béni par Don Mantovani :
En plus, ce prêtre est devenu pilote lui-même, comme il nous le confesse volontiers :
"C'était quasiment devenu un jeu. Chaque fois que le Comte Volpi achetait une voiture pour sa Scuderia Serenissima, il me demandait de l'essayer sur le circuit de Modène, que ce soit des GT, des barquettes Sport ou même des F1 ! A l'époque, j'avais un physique qui me permettait de me glisser aisément derrière le volant ..."
Don Mantovani fait détruire sa propre Eglise qui menace d'effondrement, montant lui même à un moment dans la cabine d'un bulldozer (ruspa en italien), ce qui lui vaut dans la presse le surnom de "Don Ruspa". C'est assez délicat car Enzo Ferrari, natif de Modène, a été baptisé dans cette Eglise et y restait très attaché. Mais Ferrari comprend et aide au financement de la reconstruction. Les deux hommes deviennent amis, d'autant plus que la Maserati s'est retirée des courses qu'aime tant "le prêtre de la F1". Ci-dessous avec Enzo Ferrari :
Ci-dessous avec Enzo Ferrari et Juan Manuel Fangio en franche rigolade :
"Don Sergio" devient une figure incontournable des paddocks :
Il suit et soutient particulièrement les pilotes Ferrari. Ici avec Clay Regazzoni :
Avec Niki Lauda après son terrible accident où il a failli brûler dans sa Ferrari :
Mais Don Sergio reste le curé de l'Eglise toute proche de l'usine Maserati et n'oublie pas ses anciens amis. Il racconte :
"Luigi Villoresi a failli finir sa vie seul. Comme personne dans sa famille ne pouvait ou ne souhaitait l'accueillir, je lui ai dit de venir à la maison de retraite de la paroisse. Chaque soir, je faisais le tour de l'usine et des bâtiments administratifs de Maserati pour rameuter des gens et les pousser à passer le voir, lui tenir compagnie ne serait-ce qu'un instant. Grâce à ça, je pense que ses derniers moments ont été agréables à vivre pour lui. Il le méritait bien. C'était un homme chaleureux et très ouvert. L'amitié, cela doit durer dans le temps ..."
Au restaurant à Modène, Don Sergio et Luigi Villoresi vieillissant :
Ermanno Cozza fait essayer une Merak à un Luigi Villoresi ravi, à droite en blazer :
Mais revenons au prêtre des gens de la F1 :
Avec Jean Todt :
Avec Luca Cordero di Montezzemolo :
Avec Eddy Jordan (les irlandais sont encore plus catholiques que les italiens) :
Mais l'attachement à Maserati, ses premières amours automobiles, reste plus fort que tout ! Ici en 2007 dans une Quattroporte V prêtée par l'usine :
Don Sergio Mantovani semble être toujours en vie en 2017, à plus de 90 ans, il est toujours resté le curé de cette même paroisse de Santa Caterina.
Mais alors avec tout ça, que devient notre question philosophique initiale ? La passion des Maserati est-elle compatible avec la foi chrétienne ?
Don Sergio Mantovani semble bien nous dire que oui.
Il en va des Maserati comme de toute création humaine. Tout dépend de ce que l'on en fait. Un couteau peut tuer mais peut aussi servir à se nourrir, à soigner (bistouri) ... Une Maserati aussi peut tuer entre des mains irresponsables, devenir un instrument d'arrogance et d'agression, ou bien être un merveilleux support de passion et d'enthousiasme partagé.
La passion des Maserati est-elle compatible avec la foi chrétienne ? Cela revient peut-être un peu à se demander si l'art est compatible avec la foi.
Certes oui !
A noter le très beau reportage sur "Don Sergio" dans Enrico's Maserati Pages à la page 292 des "Maseratisti" :
http://www.maserati-alfieri.co.uk/alfieri00a.htm