Le casque devient obligatoire en course auto en 1952. Jean Behra le veut très reconnaissable : blanc avec un damier à la base. Ce sera son signe distinctif par rapport à ses concurents (casque brun sombre pour Fangio, casque tout blanc pour Moss) :
Grâce à son casque, les spectateurs repèrent facilement Behra sur Gordini au Nürburgring 1953 :
Les très compactes Gordini sont bleues et se reconnaissent facilement parmi les Ferrari et Maserati rouges :
A cette époque, on pouvait piloter en chemise à carreaux une Formule 1 qui atteignait quand même 250 km/h !
Notez l'apparition du petit aileron derrière la roue avant. Les Maserati 250 F ont le même :
Amédée Gordini est en blanc.
Pour le Grand Prix de Suisse cette année là ou la précédente, le moteur de Formule 1 de la monoplace de Jean Behra était neuf et non rodé au départ de Paris. Jean Behra décida de faire le trajet entre Paris (ateliers Gordini 69-71 boulevard Victor) et Bern avec sa Formule 1 pour roder le moteur. Seul probléme : la nuit tomba au 2/3 du parcours et Jean se plaça devant le camion Lancia de l'écurie Gordini pour profiter de ses phares ! Quelle époque !
Jean Behra court trois ans pour Gordini (1952-1953-1954) avec énormément de records du tour et de temps en tête en course mais finalement peu de victoires car les Gordini sont très fragiles et la société manque cruellement d'argent. Il y a même des souscriptions financières lancées par voie de presse auto voire même de presse généraliste : "aidez Gordini" !
Amédée Gordini inscrit ses voitures à beaucoup de course pour toucher les primes de départ, mais il n'a souvent pas les moyens de réviser suffisamment ses voitures qui ont déjà plusieurs courses au compteur et nécessiteraient normalement de nombreux changements de pièces coûteuses.
Outre le Grand Prix de Reims 1952, à noter malgré tout quelques belles victoires de Jean Behra sur Gordini : le Grand Prix d'Aix les Bains 1952, le tour de France auto 1953, le Grand Prix de Pau 1954 et la coupe du salon à Montlhéry 1954.
Ci-dessous Jean Behra victorieux au tour de France auto 1953 sur barquette Gordini 3 litres avec son mécanicien embarqué, Alfred Barraquet :
Ci-dessous Jean Behra remporte le très réputé Grand Prix de Pau 1954 sur Gordini après un duel acharné avec Maurice Trintignant (dit "Pétoulet") sur Ferrari :
Notez le nez cabossé de la Gordini !
Amédée Gordini est souriant après cette victoire mais Jean Behra sait déjà que son avenir est ailleurs :
Les deux hommes s'estiment mutuellement et Jean Behra n'oublie pas qu'il doit à Amédée Gordini son premier contrat de pilote usine. Cependant, tous les experts considèrent fin 1954 que Jean Behra est l'un des trois meilleurs pilotes au monde, peut-être un peu en dessous de l'incomparable Juan Manuel Fangio, en tout cas au niveau de Stirling Moss.
Voici ce que Moss dit de Behra :
« Quand je doublais mes adversaires, Ascari et les autres, je ne m’inquiétais pas, j’étais sûr de ne pas les revoir, mais quand je doublais Jean, je n’étais jamais sûr qu’il ne s’accrocherait pas et me repasserait plus tard ! C’était un vrai coureur, le plus vite possible quels que soient la voiture, les circonstances, toujours le plus vite possible : tel était Jean Behra»
Jean Behra a 33 ans en 1954. Il a aussi besoin d'une certaine reconnaissance financière de son talent alors que Gordini ne peut le payer qu'au compte goutte ! Il a surtout besoin de voitures qui ne le lâchent pas régulièrement alors qu'il mène la course en tête.
Avec sa générosité habituelle qui émeut tant le public, il s'est dépensé sans compter pour Gordini, a couru des risques considérables, s'est souvent blessé comme à la Panamericana 1952 où, caracolant en tête sur la barquette Gordini, il sortit de la route car un spectateur mexicain qui avait eu trop chaud avait posé sa veste sur le panneau annonçant un virage !
Voici la liste des blessures de Jean Behra dans sa période Gordini :
1952 : omoplate droit cassé et côtes fissurées aux Sables d'Olonne (12 jours d'arrêt seulement, Behra est second à la course suivante à Caen 13 jours plus tard !)
1952 : sept côtes cassées, plaies frontales et bout du nez à la Panamericana (dernière course de l'année donc blessures pas trop génantes pour la suite)
1953 : vertèbre lombaire tassée et bras droit cassé à Pau (10 semaines d'arrêt)
Fin 1954, la mort dans l'âme car c'est un sentimental, Jean Behra estime quand même avoir rempli son contrat et signifie à Amédée Gordini qu'il doit le quitter pour une écurie plus performante. Le "sorcier" est triste mais comprend. Jean Behra est engagé chez Maserati où il fera trois belles saisons (1955-1956-1957).