Maseratitude

Chers maseratitudistes,

notre ami Pedro Cappelle de Classiche Masters nous a indiqué que l'une des toutes premières Maserati, la 26B châssis numéro 35 de 1929, sera mise en vente par Bonham's en marge du Goodwwod Festival of Speed dans quelques semaines. Si mes calcul sont bons, c'est la 23ième Maserati de l'histoire, l'une des 6 Tipo 26B. Elle fait partie de ces voitures qui ont assis la réputation de la marque au Trident.



Il est absolument rarissime qu'une Tipo 26 se vende, déjà par leur tout petit nombre (42 exemplaires toutes versions confondues, ce sont toutes des voitures de course pour gentleman driver):

- Tipo 26 (8 cylindres en ligne compresseur 1.5 litres 120 cv 180 km/h) calandre verticale : 11 exemplaires de 1926 à 1932
- Tipo 26B (8 cylindres en ligne compresseur 2 litres 155 cv 200 km/h) calandre oblique : 6 exemplaires de 1927 à 1930
- Tipo 26 MM (mécanique de Tipo 26 mais avec garde boue et phares pour des épreuves sur route type Mille Miglia) : 2 exemplaires en 1928
- Tipo 26B MM (mécanique de Tipo 26B mais avec garde boue et phares pour des épreuves sur route type Mille Miglia) : 4 exemplaires de 1928 à 1930
- Tipo 26R (8 cylindres en ligne compresseur 1.7 litres 140 cv 190 km/h) calandre oblique : 2 exemplaires en 1928
R pour Roulements car le vilebrequin était monté sur roulements à bille, comme les Bugatti 35
- Tipo 26C (8 cylindres en ligne compresseur 1.1 litres 100 cv 170 km/h) calandre oblique : 4 exemplaires de 1929 à 1930
- Tipo 26M (8 cylindres en ligne compresseur 2.5 litres 195 cv 230 km/h) calandre oblique : 13 exemplaires de 1930 à 1932
M initialement pour Monoposto mais il y eu ensuite aussi dans ces 13 exemplaires des M Sport biplaces !

La Tipo 26B châssis 35 avait trois particularités depuis sa naissance à l'usine de Bologne ( L'usine ne sera transférée à Modène qu'en 1939) : elle disposait d'un moteur poussé à 2.1 litres, d'un carburateur Weber à la place de l'habituel Memini et de tambours de freins en alliage léger Elektron, cet alliage magnifique à base de magnésium produit par Isotta-Fraschini.



Notez le système Henri Perrot qui, par un câble actionnant en rotation la tige transversale déployable articulée sur le tambour, permettait de freiner (un peu) en virage. La commande hydraulique des freins avant ne sera mise au point, par Maserati d'ailleurs, qu'en 1932.


On voit que la tringlerie de direction n'est présente qu'à droite, la barre transversale transmet à la roue gauche.

La 26B, avec sa carrosserie toute en aluminium façonnée à la main par Medardo Fantuzzi, pesait 750 kg de base, sans doute un poil moins sur le châssis 35 avec les gros tambours allégés. Ici, le couvre siège passager, amovible, est en place pour un usage Monoposto, quand il n'était pas nécessaire d'emmener un mécanicien embarqué.

80 litres d'essence dans le dos ! Là on a enlevé le capot recouvrant le réservoir.

Notez les prises d'air, très utiles pour refroidir les jambes des occupants, chauffées par le moteur.

La tirette devant le passager, c'est la pompe à essence manuelle, quand la pompe électrique donnait mal !

Châssis écrit en français et non Telaio en italien, "made in Italy" en anglais. Pourtant cette plaque est bien d'origine, c'était ainsi à l'usine de Bologne. Par ailleurs, ce châssis 35 est magnifiquement documenté, avec tous les papiers d'époque.
La Tipo 26B châssis 35 a été vendue neuve en 1929 à un pilote argentin célèbre, Juan Malcolm.



Au dessus de la tirette de la pompe à essence manuelle, ce n'est pas la jauge du réservoir mais la pression d'essence à l'admission au carburateur. Si ça baissait trop, le mécano pompait !

Le compte tour est assez optimiste, la 2 litres prenait 5300 tours par minute ce qui, en 1929, était très élevé car la course était longue (82 mm) pour 62 mm d'alésage sur la 2 litres, 64 sur le moteur spécial initial 2.1 litres du châssis 35. Notez l'aluminium brossé de la planche de bord.

Encore un quadrant plus à droite, probablement pour la température de l'eau.


La petite plaque Maserati contre l'embrayage.

Jolie pièce d'histoire.
Ca devrait intéresser un musée!

Salve Froggie, oui, elle est magnifique. Estimée entre 1 et 1.5 millions d'euros, ce qui me semble peu par rapport aux Maserati de course des années 50 qui cotent le double ou le triple.

Poursuivons vers le boitier de direction et la tringlerie de commande de la direction qui contourne le fuselage en hors bord par la droite. Cette commande n'est pas doublée par la gauche pour gagner du poids. Notez les bougies de rechange vissées sur la plaque de séparation du compartiment moteur, le soucis de bien ranger les fils d'allumage et le compresseur Roots aileté tout devant en bas.

La barre de direction n'est que du côté pilote, une barre transversale transmet à l'autre roue.
On voit les ailettes sur le capot d'abord en prise d'air pour ventiler le compartiment moteur, puis en extraction d'air pour évacuer la chaleur, puis en prise d'air pour les jambes des occupants.

Vous avez là une voiture de "Grand Prix". Le terme de Formule 1 n'a existé qu'à partir de 1950 mais, s'il avait existé avant guerre, on aurait classé cette Maserati parmi les Formules 1. On va voir que son moteur est très moderne pour l'époque avec ses deux arbres à cames en tête (dès 1926 sur toutes les Maserati) et son carter sec (dès 1926 aussi) avec le réservoir d'huile au dessus des pieds du passager (bouchon).

Notez le refroidissement des cylindres 2 par 2 avec les durites qui descendent depuis le radiateur. La flèche jaune montre l'entrée d'air pour le carburateur qui était d'origine un Weber sur le châssis 35 et non pas l'habituel Memini. Il est à cet endroit sur la quasi totalité des Maserati d'avant guerre.

Sur ce moteur de 8CM de 1933 (même aspect extérieur), on voit bien le carburateur avec la grille pour l'air et le compresseur Roots qui comprime le mélange air-essence et l'envoie direct de l'autre côté vers l'admission au moteur sans être refroidi par un échangeur.


Notre Tipo 26B châssis 35 n'a plus son moteur d'origine mais un moteur de 8C 2800 de 1931, aux mêmes cotes extérieures (même bloc) mais alésage/course 69/94 pour 205 cv et environ 230 km/h

Quelques zoom sur cette merveille d'ingénierie d'il y a 92 ans !


Elle a fait un paquet de courses historiques !








Des fentes dans la queue, juste pour éviter le moindre "effet parachute" !

L'aluminium sous la peinture rouge des voitures de course italiennes. Dans son jus d'un bout ... à l'autre !


Me reste à vous montrer les suspensions à lames et les amortisseurs à friction de disques, réglables.

Notez l'attache en cuir pour que la manivelle ne ballote pas.

l'amortisseur à friction de disques comme on les faisait avant guerre (système André Hartford)

ça y est, je l'aime cette Maserati de Grand Prix !

Superbe récit et photos comme d’habitude cependant une question me taraude

- Tipo 26 (8 cylindres en ligne compresseur 1.5 litres 120 cv 180 km/h) calandre verticale : 11 exemplaires de 1926 à 1932
- Tipo 26B (8 cylindres en ligne compresseur 2 litres 155 cv 200 km/h) calandre oblique : 6 exemplaires de 1927 à 1930
- Tipo 26 MM (mécanique de Tipo 26 mais avec garde boue et phares pour des épreuves sur route type Mille Miglia) : 2 exemplaires en 1928
- Tipo 26B MM (mécanique de Tipo 26B mais avec garde boue et phares pour des épreuves sur route type Mille Miglia) : 4 exemplaires de 1928 à 1930
- Tipo 26R (8 cylindres en ligne compresseur 1.7 litres 140 cv 190 km/h) calandre oblique : 2 exemplaires en 1928
R pour Roulements car le vilebrequin était monté sur roulements à bille, comme les Bugatti 35
- Tipo 26C (8 cylindres en ligne compresseur 1.1 litres 100 cv 170 km/h) calandre oblique : 4 exemplaires de 1929 à 1930
- Tipo 26M (8 cylindres en ligne compresseur 2.5 litres 195 cv 230 km/h) calandre oblique : 13 exemplaires de 1930 à 1932
M initialement pour Monoposto mais il y eu ensuite aussi dans ces 13 exemplaires des M Sport biplaces !

On remarque une baisse sensible de la cylindrée de 1929 /1930 puisque que l’on descend même sous la cylindrée de la Tipo 26 de 1926, est-ce du au règlement (y en avait-il un ? ) sinon quel en est la raison ?

Ciao Lionel, content que l'article t'ait plu.

Pour répondre à ta question, c'est du à une stratégie d'extension de la gamme. Les voitures de Grand Prix de première catégorie, qui laissaient espérer des victoires absolues, ont vu leur cylindrée à compresseur augmenter : 2 litres (Tipo 26B en 1927), 2.5 litres (Tipo 26M en 1930), 2.8 litres (8C2800 en 1931), 3 litres (8C3000 en 1932 puis 8CM en 1933), 3.7 litres (6C34 en 1934), 4.8 litres (V8RI en 1935). Elles luttaient contre les Bugatti et Alfa-Romeo (Scuderia Ferrari qui était alors le département course d'Alfa) puis contre les Auto Union et Mercedes à partir de 1934.

Par contre, il fallait des voitures de plus petites cylindrées, moins chères à acheter et à entretenir, qui permettaient aux clients-pilotes d'accéder à des victoires de classe souvent assez bien récompensées en terme de prime de victoire et déjà honorifiques, voire à des victoires absolues dans de petites courses locales. La Tipo 26C a été la première de ces "voiturettes" en 1929, concept lancé dès avant la crise. Mais elle avait encore un 8 cylindres en ligne. Les petites Maserati de course excellèrent avec les 4 cylindres 4CM et 4CS 1100 et 1500 à partir de 1932. Ces petites bombinettes avaient, en 4 cylindres, la même architecture que en 8 cylindres (compresseur Roots devant, admission à droite, échappement à gauche). Elles luttaient contre les françaises Salmson et Amilcar et les anglaises Era.
l'article sur la 4CM 1100/1500 du Comte Lurani :
http://www.maseratitude.com/viewtopic.php?f=12&t=7191

Il faut aussi citer la V4 de 1929 qui associait en un V étroit deux moteurs 2 litres de Tipo 26B (d'où V4), chacun avec son vilebrequin, les deux étant unis par un engrenage. Cette V4 fut engagée en Grand Prix de première catégorie et donna sa première victoire à Maserati en Tripoli en 1930 et le record de vitesse mondial de 246 km/h de moyenne sur 10 kilomètres lancés (pointe à 249) avec Baconin Borzacchini en septembre 1929 à Cremona. Ce record des 10 kilomètres ne sera battu que par l'Auto Union de Rosemeyer en 1937.


L'article sur la V4 :
http://www.maseratitude.com/viewtopic.php?f=12&t=2285

Ah quel bonheur de te lire Maseramo ! Merci pour ce coup de projecteur sur cette fabuleuse Tipo 26B, un chef-d'œuvre d'ingénierie et de design. Les sportives modernes sont devenues tellement efficaces, que le pilotage d'un tel engin doit décupler les émotions

La voici lors du GP de Monaco historique 2008

Whaou, merci Blu Sera pour cette recherche

C'est magnifique de la voir en action et en appui. Elle vire à plat, même en sortie de S.
On dirait que l'échappement est chauffé à blanc juste à sa sortie du fuselage.

Le pilote était aussi plus à l'aise sans le saute vent qui est rabattu !

C'est toujours aussi captivant de te lire et de te suivre dans ta passion de ces voitures d'exception, maseramo.
On découvre tous ces détails et ces astuces mécaniques avec des yeux émerveillés!

Merci Froggie, je suis très content que cette présentation d’une Maserati assez loin de nous, puisque presque centenaire, te plaise. Elles sont très précieuses, ces toutes premières Maserati, car elles ont diffusé la renommée de la marque alors que la production n’était que de 5 à 8 autos par an !

Une fois de plus, Grazie mille Philippe !

Notre ami Philippe de Bruxelles, grâce à son immense documentation, nous apporte des renseignements importants sur cette Maserati Tipo 26B châssis 35 de 1929 :

- elle a remporté deux courses aux mains de son pilote-propriétaire argentin, John (Juan) Malcom : le Grand Prix de la province de Buenos Aires 1930 et le Grand Prix de Buenos Aires 1932.
- un collectionneur italien la voulait depuis 1972. Il a fini par acheter la "35" en 1988 à la veuve de John Malcom.
- son moteur particulier poussé à 2.1 litres développait 160 cv contre 155 au 2 litres standard des Tipo 26B
- la "35" pesait 720 kg à sec contre 750 à la Tipo 26B standard (les tambours de la "35" étaient en alliage Elektron à base de magnésium, ainsi que le boitier du différentiel et celui de la direction).
- en 1988, la "35" fut chronométrée à 234 km/h à Monza.